De
Paris à Manchester en passant par Douala : Esquisse d’un parcours
L’auteure-compositrice-interprète
franco-camerounaise Tiki Black voit le jour à Paris. Dotée
d’une « double-culture », le voyage et le mouvement
constitueront l’une des premières matrices créatrices de cette artiste en
devenir, la jeune fille se déplaçant fréquemment, multipliant allers et retours
entre Vieille Europe et Afrique. Des conditions conduisant très tôt Tiki Black
à l’autonomie personnelle et à développer et cultiver un attrait certain pour
la musique. En effet, si la jeune fille, qui a notamment passé son enfance dans
le port de Douala, n’a pas de réel point de chute, la musique, elle,
constituera ce précieux point d’encrage lui manquant peut être dans un premier
temps, apportant du même coup à sa vie la cohérence nécessaire[1].
De ces années passées
dans la capitale économique du Cameroun, Tiki garde en mémoire nombre de
découvertes musicales l’ayant autant marqué qu’inspiré. Parmi celles-ci
citons les musiques d’Amérique du Nord et latine ou celles d’artistes
camerounais tels Eboa Lotin ou Manu Dibango. Le cinéma ne la laissant pas non
plus insensible, elle s’intéressera également aux films indiens, produits par
Bollywood, qu’elle découvre en fréquentant les salles obscures de la ville[2].
A l’âge de quatorze
ans, alors scolarisée dans une école parisienne, elle découvre le piano.
L’histoire veut que son étude pianistique commença à l’initiative d’une de ses
amies, cette dernière lui ayant offert un livre d’enseignement musical. L’une
des premières œuvres pour piano qu’elle découvrit ensuite et étudia fut celle
du compositeur franco-polonais Fréderic Chopin. Parmi les artistes l’ayant
influencé jusqu’à aujourd’hui citons Chopin donc mais aussi Eboa Lotin, Manu
Dibango , Charles Aznavour, Bob Marley, Georges Brassens,
Queen, Dolly Parton, Haendel, Georges Moustaki, Fiona Apple, Karine Polwart,
Michael Jackson, Herbert Groenmeyer, Alanis Morrissette, Scott Walker, Elvis
Costello, Terry Hall ou encore Tori Amos.
Des artistes aux styles divers, multiples, témoignant d’un gout immodéré et
surtout d’une richesse culturelle certaine. Très attachée à la force des mots
et la portée des textes de nombre de ces auteurs, la demoiselle n’hésite pas
non plus à les traduire personnellement[3].
L’activité de
chanteuse, auteure et compositrice débuta réellement pour Tiki Black en 2006,
époque où l’artiste compose ses premiers morceaux et ébauche ses premiers
textes. La même année Tiki Black crée et anime, entourée d’une petite équipe,
le site web World Singers Songwriters avec pour objectif de mettre en lumière
les textes et œuvres d’ auteurs de chansons, célèbres, reconnus ou non,
d’époques et de genres différents à travers le monde[4] et
de rendre hommage à tout auteur l’ayant inspiré[5].
Premier évènement
marquant pour Tiki Black et annonciateur d’un début de carrière dans le monde
de la musique : sa place de finaliste du « John Lennon Songwriting
Contest 2009 Session I », décrochée en septembre 2009. Cette première
récompense personnelle permettra à celle qui est désormais résidente à
Manchester de commencer à se produire sur scène plus intensément et majoritairement
sur le territoire britannique.
Tiki se fait donc
progressivement remarquer et entame
ainsi, dès janvier 2011, la conception et la réalisation de ce qui deviendra
son premier projet musical. Deux ans environ seront nécessaires à l’artiste
pour accoucher d’Out Of The Black, effort discographique publié par le label No
Sugar Added Records, sorti officiellement le 16 juillet 2013. Cette œuvre est
décrite par son auteure elle-même comme un album thématique ayant pour
épicentre la création et la créativité personnelle servant à exorciser nos
peines et peurs diverses.
Se vouant à la création
musicale, la jeune femme n’en néglige pas moins les diverses opportunités
s’offrant à elle. C’est ainsi que Tiki Black se lance, en fevrier 2013, dans l’aventure radiophonique, devenant
productrice et animatrice bénévole de l’émission « I Write The Song »,
diffusée sur les ondes de la radio anglaise Canalside’s The Thread 102.8fm[6].
L’émission « I Write The Song » propose à ses auditeurs de découvrir des
musiques et genres musicaux du monde entier, de toutes époques, de découvrir de
nouveaux talents et propose également
des focus sur les songwriters, si chers à Tiki Black.
Auteure, compositrice, interprète,
productrice, animatrice Tiki Black à plus d’une corde à son arc, une supplémentaire
viendra s’y ajouter en à la fin de l’année 2014. En novembre dernier Tiki
entame une nouvelle collaboration, avec cette fois un titre en ligne, VertiKal
Life Magazine[7],
journal pour lequel elle endosse le rôle de « Creative Director ».
Nonobstant ses
différentes activités, Tiki Black ne néglige point l’élaboration de son second
album à paraitre et poursuit actuellement la promotion d’Out Of The Black,
album sur lequel nous allons maintenant nous pencher plus en détails.
Out
Of The Black : lumière tamisée
Conçu entre janvier
2011 et juillet 2013, l’album Out Of The Black fut enregistré et mixé aux
Cottonmouth Studios de Manchester par Chris Hamilton, ce dernier partageant
avec Tiki Black la casquette de producteur sur ce disque. Le mastering est lui
l’œuvre d’Éric James et s’est déroulé dans l’enceinte du studio Philosopher
Barn Mastering, situé dans le district de North Norfolk.
Out Of The Black voit
se côtoyer en son sein relativement peu de musiciens. En effet, Tiki Black, à
qui l’on doit textes et musiques, qui assure l’ensemble des vocaux et des
chœurs ainsi qu’une partie de piano sur l’un des dix titres que compte l’album,
est ici accompagnée et secondée par sept personnes au total. On retrouve
ainsi : John Ellis, pianiste sur neuf titres, le djembefola Sidiki
Dembele, le bassiste Matt Owens, Chris Hamilton aux percussions enfin Rachel
Shakespeare, Michael Christopher Calvert et Niko Paterakis se sont eux chargés
des lignes de violoncelle et des différents arrangements. Fait remarquable, aucune
six cordes n’est présente sur cet album !
L’album Out Of The
Black renferme un son de qualité dont la production et les divers arrangements
mettent avant tout en valeur les éléments constituant la matrice musicale de
cet ensemble : la voix de Tiki Black et le piano. Pour ce faire, le choix
judicieux du minimalisme, de l’essentiel fut opéré. Les titres ne souffrent
nullement de surproduction, inutile d’y chercher la note de trop, tout juste
sont –ils souvent et joliment agrémentés de percussions et de cordes assez
légères et aériennes. Une production minimaliste, propre, carrée et peaufinée,
sans prétention ni esbroufe, certes très lisse mais que ne dépare pas une
certaine finesse et qui confère à l’ensemble de cette collection de chanson son
homogénéité sonore.
La voix de Tiki Black,
dont on devine aisément toute la puissance et l’étendue, œuvre dans un registre
empreint de nuance et sensibilité, aucune démonstration vocale éhontée et
abusive de sa part, la jeune femme évite les poncifs des chanteuses dites
« à voix », sa performance
tout au long du disque n’en est que plus agréable et appréciable. Des
prestations vocales réussies se lovant parfaitement dans chacun des dix écrins
musicaux, taillés pour mettre celles-ci, ainsi que les textes les accompagnants,
en valeur.
Les textes font indéniablement la part belle à
l’interception, aux émotions et au ressenti. De cet ensemble se dégage une
mélancolie certaine, les mots révèlent les maux… Si Tiki fait, à première vue,
part de son expérience personnelle, elle le fait en réussissant à exploiter des thèmes et sentiments d’ordre
fédérateur et universel, tels la peur et la peine, par exemple. Ainsi aucun
auditeur ne restera au bord du chemin et cette découverte se verra accompagnée
par l’ambiance musicale très intimiste du disque et l’impression de douceur
s’en dégageant. Sur ce point, Tiki déclare :
« Si
ma musique commence à partir de mon expérience personnelle, elle tire des
leçons plus universelles en regardant des situations et des émotions semblables
à travers le temps et de par le monde. »[8]
L’opus s’ouvre sur le
titre Free Like Smoke, une
composition révélant et mettant d’entrer en valeur ce qui constituera le
fondement, voire l’essence, de chacun des neuf autres titres : la
prédominance du piano et de la voix, toujours parfaitement mise en avant. Le
titre débute sur un gimmick de clavier, à la fois simple et accrocheur, sur
lequel se plaque d’entrée la voix d’une Tiki Black dont l’émotion semble immédiatement
perceptible. Une basse à la ligne ronde et simple ainsi qu’un violoncelle
viendront orner cet ensemble vers la moitié du titre, se voyant ensuite pourvu
d’un gimmick de percussion minimaliste et de quelques chœurs. Une entrée en
matière réussie qui donne d’emblée le ton général de l’opus et qui se verra
commercialisée en single au cours de l’année 2014[9]. Sur
cette version simple Tiki est accompagnée par la musicienne est chanteuse
anglaise Jo Bywater, cette dernière signant pour l’occasion un travail sur les
harmonies, les arrangements et les lignes de guitares. Une version toute aussi
réussie et ne déparant en rien la version originale se trouvant sur cet album.
Atmosphère similaire et
chant du même acabit sur Listen, le
second titre. Le morceau est entamé par un intéressant gimmick de piano que
vient vite souligner la basse. Les cordes se joignent à l’ensemble avant que
les cordes au son cristallin du nkoni[10]
ne se fassent remarquer.
C’est par une
introduction jouée conjointement par le piano et la basse que débute Swollen, sur laquelle se plaque la voix
de Tiki Black. Les percussions et cordes apportant ensuite à ce titre un aspect
quelque peu mouvant.
L’éponyme Out Of The Black arrive ensuite et nous
propose un motif pianistique légèrement
plus enlevé que précédemment, que vient ponctuer la lourdeur d’une basse
pourtant assez discrète sur cette composition. Une certaine tension est
perceptible sur ce morceau, tension que soulignent joliment violoncelle, nkoni
et percussions. Tiki propose ici une prestation vocale aux accents empreint de
gravité.
Escape,
le titre suivant, et dernier simple en date, est pourvu d’une entame de piano
et de basse sur laquelle l’instrument à corde délivre une ligne légèrement plus massive et martiale que
précédemment et qui semble, même indirectement, traduire cette envie
d’échappée. Une impression soulignée à propos par l’ornement de violoncelle,
percussion et quelques chœurs.
Etna
se signale par une introduction jouée au piano des plus cristallines qui s’écoule
sur toute la durée du morceau, soit 3 minutes et 33 secondes. Un titre en
piano/voix, véritable concentré d’émotion, touchant et allant à l’essentiel.
Assurément l’une des plus belles pièces
du disque.
C’est par une
introduction de basse et de piano que débute Le Cinquieme Element (The Fith Element), septième titre de l’opus
et seul à être chanté dans la langue de Molière. Un choix plutôt osé à l’écoute
de la musique proposée par Black, celle-ci puissant de manière très évidente
son inspiration dans des genres tels la Soul, le Blues ou le Rythm ’n’ Blues.
Des genres musicaux pouvant, à première vue, difficilement se concilier avec la
langue française. Toutefois, l’on constate rapidement que le pari est relevé et
plutôt joliment, le texte français ne déparant en rien, tant dans sa forme que
dans son contenu, les autres textes de l’album tous écrits en anglais.
Musicalement, ce morceau bénéficie de jolis ornements délivrés par le
violoncelle et une basse relativement discrète.
Powder
Masks est, comme l’ensemble des titres de cet album,
pourvu d’une agréable introduction de laquelle se détache irrémédiablement le
piano, la basse, bien qu’audible à l’entame, demeurant mixée en retrait. Il
n’en va bien sûr pas de même pour la voix, toujours aussi présente, elle, et
mise en valeur.
Le titre Silence
(No More) s’articule prioritairement autour d’un gimmick de piano mais se
voit pourvu d’une ligne de basse plutôt légère et tout de même plus expressive
que sur nombre d’autres titres du disque, ceci demeurant toutefois
singulièrement épuré et sobre, car jamais pas n’est pris sur le clavier ou la
voix.
La chanson Open Your Eyes constitue la dixième et
dernière étape de notre itinéraire parcouru aux cotés de Tiki Black. Une
conclusion d’album sur un morceau interprété avec pour seul accompagnement le
piano. Un écrin minimaliste renforçant l’interprétation « habitée »
de cette jeune artiste. Une coda certainement à l’image de l’interprète, de son
œuvre en tout cas, gorgée de simplicité et d’émotion. On remarque que le texte
de ce titre constitue certainement un écho, une réponse à celui de Free Like Smoke, pièce ouvrant
l’opus :
Close
your eyes/ Pretend that nothing happened/ And believe that thus Truth will
hide/ Close your mind/Pretend that you’re ignorant/ And believe that thusyou
escape the martyr’s side.
Free Like Smoke
Open
your eyes/ To the shining sunand the blue skies/ Open your eyes/ Have a bite of
the moon/ O word do not hide in your cocoon.
Open Your Eyes
Une ultime invitation à
ouvrir les yeux, contempler ciel et soleil, comme pour mieux nous convaincre
que nous sommes, au bout de trente-neuf minutes, bel est bien « Out Of The
Black »…
« When pain hits
I hold my breath so she
thinks me dead
Or better yet, I
express myself Out Of The Black.
This album is that
release…
Tiki
*****
Avec Out Of The Black
Tiki Black signe un premier effort discographique de qualité, au son très
épuré, à la production et aux arrangements minimalistes, accordant la primauté
à la voix ainsi qu’aux différents textes, tous œuvres de cette jeune auteure,
lovés dans des écrins musicaux les mettant joliment en valeur. Ce dégage
de ce recueil de chansons sans prétention beaucoup d’émotion, une certaine
mélancolie laissant deviner un réel degré d’introspection. L’ensemble est à la
fois sobre, intense, maitrisé et porté par une voix suave et touchante.
Un disque auquel les
moins réceptifs reprocheront peut être une trop grande homogénéité, une très forte
similitude structurelle des compositions ou un manque d’audace dans le choix
des arrangements musicaux mais telle était la volonté de l’artiste et l’on ne
peut lui en tenir grief. De tout cela se dégagent honnêteté et authenticité.
Peut-être le second
album, actuellement en cours d’écriture et de composition, proposera-t-il une
évolution musicale sensible. Out Of The Black a quant à lui déjà séduit, tant
le public que la critique et s’est vu auréolé de deux Awards : celui de
« Best Folk/Singer Songwriter Album », remis en novembre 2013 par l’Akademia Awards ainsi
que celui de finaliste dans la catégorie
du « Best Debut Album » lors des Fatea Awards 2013.
Plus de deux ans après sa sortie, la promotion
d’Out Of The Black n’est pas achevée, en effet, cet été, ce sont Les Pays-Bas qui accueilleront Tiki
Black pour une série de concerts[11].
En attendant la
parution du second opus, nous pouvons sans problème jeter une oreille (voire
les deux…) à ce travail tout à fait recommandable !
Liste des titres :
1.
Free Like Smoke
2.
Listen
3.
Swollen
4.
Out Of The Black
5.
Escape
6.
Etna
7.
Le Cinquieme Element (The Fifth Element)
8.
Powder Masks
9.
Silence (No More)
10.
Open Your Eyes
Tiki Black, Out Of The Black, No Sugar Added
Records, 2013.
Xavier Fluet@GazetteDeParis
Publié le : 28/06/2015 par
La Gazette De Paris.
[1] Site internet de l’artiste,
section « Biographie ». Page consultée le 20/06/15. Lien : http://tikiblack.com/biographie/?lang=fr
[2] Ibid.
[3] Id.
[4] Site
web World Singers Songwriters. Page consultée le 20/06/15. Lien : http://www.worldsingersongwriters.com/
[5] Ibid. Section « The
WSS-Team ». Page consultée le 20/06/15. Lien : http://www.worldsingersongwriters.com/the-wss-team/
[6] Site
Web de Canalside’s
The Thread 102.8fm à l’adresse suivante : http://www.thethread.org.uk/canalsides-the-thread-1028fm
[7] Site Web de VertiKal Life
Magazine à l’adresse suivante : http://www.vertikallifemagazine.com/index.php/en/
[8] Cf. Note 1
[10] Le nkoni est un luth africain,
généralement pourvu de quatre cordes, occupant une place de choix au sein de la
musique classique et traditionnelle mandingue. Source : Chants et Histoire du Mandé, section
« cordophones traditionnels mandingues » Page consultée le 27/06/15.
Lien : http://chantshistoiremande.free.fr/Html/cordo1.php
Les Mandés (ou Mandinka, Mandingues) sont un
peuple d'Afrique de l'Ouest. Source : « Mandingues », Wikipédia.org. Page consultée le
27/06/15. Lien : https://fr.wikipedia.org/wiki/Mandingues
[11] Cf. Note 1. Section « Musique ». Page
consultée le 28/06/15. Lien : http://tikiblack.com/?lang=fr
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