D’Héloïse
à Christine : Genèse d’un projet
Christine And The
Queens. Derrière l’apparent nom de groupe se dissimule une seule et même
personne, Héloïse Letissier, auteure-compositrice-interprète
et pianiste de son état. La demoiselle née à Nantes en 1988 et grandit dans sa
proche banlieue, à Saint-Sebastien-Sur-Loire. Cadette d’un couple
d’enseignants, son père est enseignant-chercheur spécialiste en littérature
anglaise et sa mère professeur de lettre moderne et latin en collège, elle est
très tôt mise en contact avec les milieux artistiques, débutant l’étude du
piano à quatre ans et la danse classique à cinq[1].
Sa scolarité se déroulera sans accros et
toujours sous le prisme artistique. Les études elles se dérouleront ensuite
entre Paris et la capitale des gones, oscillantes entre les classes
préparatoires et Normale Sup’. Aux classes d’hypokhâgne et khâgne faites au
lycée Fénelon à Paris succèdera l’inscription à l'ENS Lyon et le Conservatoire
où Héloïse se consacrera à l’art dramatique dans l’optique de devenir metteur
en scène[2].
Premier soubresaut du projet qui plus tard deviendra Christine And The Queens,
au sujet duquel elle déclarera :
«J’adorais ça, surtout
l’impro, mais je ne me sentais pas du tout à ma place comme comédienne. J’avais
l’impression d’avoir une palette restreinte. Je n’aimais pas être dirigée. J’ai
toujours eu du mal à me soumettre au désir de l’autre. J’avais aussi du mal à lâcher
prise, à travailler en équipe.»[3]
Dans une interview donnée à Géraldine Sarratia pour Les Inrockuptibles, revenant une
nouvelle fois sur cette difficile période passée au Conservatoire, elle
ajoutera :
“Au Conservatoire, les
enseignants masculins ne voulaient pas préparer les filles au concours pour la
mise en scène. Ça s’est très mal passé. Prof de lettres, ça ne me disait rien.”[4]
Cela conduira la demoiselle, alors âgée de 21 ans et en pleine rupture,
à décrocher quasiment totalement avant
de commencer à se renfermer sur elle-même et déprimer. C’est un séjour
linguistique long de trois semaines passé dans la capitale anglaise qui la
sortira de l’état dépressif dans lequel elle se trouvait alors. En Angleterre,
elle rompt un temps avec ses habitudes, commence à découvrir le monde de la
nuit, se rendant chaque soir ou presque dans les cabarets queer de la ville.
C’est « Chez Madame Jojo’s » qu’elle assistera très régulièrement au
numéro burlesque proposé par trois travestis mêlant la musique Rock et…la
cuisine ![5]
Les trois travestit l’a remarqueront et l’aborderont peu après. Cest grâce à
cette rencontre fortuite qu’ont été jetées les bases du futur projet musical,
Héloïse sympathisant vite et allant
ensuite s’installer une semaine durant chez l’une de ces trois personnes en ne
négligeant pas de recueillir au passage quelques conseils artistiques qui s’avéreront
des plus précieux pour la suite. Sur cette rencontre, elle déclarera :
“Elles ont un peu accouché
du projet. Je leur disais mes problèmes. Elles m’ont dit qu’il y avait plein de
façons différentes de faire du théâtre, en décloisonnant les choses. Si tu
aimes le théâtre mais que tu n’y trouves pas ta place, alors fais-en autre
chose. Ce sont des personnages qui savent utiliser leurs forces pour en faire
des faiblesses.” […] “Elles m’ont dit, incrédules : ‘Rentre en France, écris
tes chansons et on verra bien”[6].
Rentrée en France et
désormais forte de cette expérience vécue outre-manche, Héloïse, entrant dans
une période créatrice prolifique, commence à composer ses premières maquettes
et écrire ses premiers textes, le tout prenant progressivement forme avec
notamment « l’assistance » du programme GarageBand. Les premiers
titres sont ébauchés, le projet Christine And The Queens se faisant du même
coup de plus en plus tangible. Nous sommes alors au début de l’année 2010,
entre février et mars[7].
C’est un mois plus tard
que la machine se mettra réellement en marche. En avril 2010, et après avoir
posté ses maquettes sur le site Le Lab
des Inrocks, elle se voit sélectionnée pour la finale du concours, ce qui
lui permettra de fouler la scène et de commencer à s’aguerrir pour de bon. Elle
assura notamment la première partie de The Do au Trianon accompagnée à l’époque
de son seul ordinateur[8],
commençant ainsi à élaborer l’aspect strictement scénique de Christine
And The Queens qui à l’origine mêle chant, danse, photographie et vidéo[9].
Christine voit donc le
jour, se substituant publiquement à Héloïse Letissier. Elle est certes seule
sur scène mais les queens inspiratrices croisées à Londres demeureront, à
travers son nom de scène du moins. A la
question de savoir qui est Christine, Héloïse répondra :
"Un
personnage né de cette colère que j'avais en tant que jeune fille, jeune
artiste. C'est une femme plutôt libre, plutôt fantaisiste qui assume ce que je
n'assume pas en temps normal. Je disais "Christine" pour appeler les
gens dont je ne me souvenais plus du prénom. Il appartient à tout le monde et à
personne, en fait. Une manière de me déverrouiller."[10]
En 2011, c’est Marc
Lumbroso, patron de Remark Records, qui la remarque et la signe. La première
concrétisation discographique dut à Christine And The Queens sera Miséricorde[11],
un Extended Play 5 titres.
De
ce premier maxi on retient la présence d’un son avant tout minimaliste à la prédominance synthétique
reposant sur nombre de boucles préenregistrées auxquelles s’ajoutent nappes de synthétiseur
épurées et touche discrète de piano. Le travail sur la voix demeure lui très
sobre, brut et sans artifices. Tout juste remarque-ton par endroits la présence
d’un effet d’écho. De ces cinq premiers
titres se détachent assez aisément la reprise faite du titre Who Is It, originellement signé Michael
Jackson ainsi que la composition originale
Kiss My Crass. La présence sur ce tout premier disque d’une reprise d’un
titre de Michael Jackson est à soulignée, l’œuvre de ce dernier étant
revendiquée comme une influence majeure pour cette jeune artiste. Elle confiera
même, dans une interview pour la presse écrite, l’avoir découvert et en être
tombée presque amoureuse à l’âge de 3 ans, à Disneyland, grâce à l’attraction
Captain Eo[12].
Un premier EP, sorte de cliché
instantané, nous donnant à découvrir un
projet résolument inabouti, encore en
phase de construction surtout, mais qui par certains aspects ou sons révèle
quelque peu ce qui nous sera donné d’entendre à l’été 2014.
L’année
suivante, toujours chez Remark Records,
c’est un nouvel EP 5 titres qui sera publié. Comme son prédécesseur, Mac Abbey[13]
renferme des sons à prédominance synthétique et Electro orchestrés de façon
minimale. En cela, ce second disque s’inscrit dans la droite ligne de celui
sorti un peu plus tôt. Plusieurs titres trouveront néanmoins un véritable écho
auprès d’un premier public, parmi ceux-ci : Narcissus Is Back et Cripple.
C’est cette fois une chanson œuvre d’Yves Simon qui se verra reprise par
Christine : Amazoniaque, titre
originellement paru en 1983 sur l’album USA/USSR (Amazoniaque). Ce faisant les
influences diverses, insoupçonnées ou revendiquées continuent à se dévoiler.
Forte
du succès public commencant à naitre, Christine continue d’enchainer les
prestations, se produisant désormais en première partie d’artistes comme Woodkid
ou Lykke Li. Toujours en 2012, elle se verra désignée lauréate du prix
« Découverte » du Printemps de Bourges et recevra aussi celui des
« Premières Francos » lors de sa participation aux Francofolies de La
Rochelle[14].
A l’automne de cette même année elle signera un nouvel engagement, en faveur du
label indépendant Because Music cette fois.
Cette
signature sera suivie peu de temps après par la sortie d’un nouvel EP, le 3e
de sa jeune carrière, Nuit 17 à 52, disponible le 3 juin 2013[15]. Ce disque renferme lui aussi cinq chanson. Si
la forme elle-même ne change pas, on perçoit cette fois, et plus aisément, un
changement en termes de production. Le travail des pistes vocales semble se
parer de plus de finesse quoi que demeurant malgré tout similaire à celui des
deux précédents disques. Les sons électroniques tendent à céder un peu de
terrain, se faisant moins envahissants sur des titres comme Nuit 17 à 52 ou Photos souvenir, reprise du chanteur et compositeur William Sheller.
Suite
à la sortie de ce nouveau disque Christine
And The Queens se produira, entre autres, en première partie de Gaétan Roussel,
Lilly Wood And The Prick, récemment aussi le Printemps de Bourges l’a
accueillie.
Le
succès rencontré par ce nouveau maxi permettra à Christine de franchir un
pallier, au moins en terme d’exposition médiatique. La chanson Nuit 17 à 52 l’amenant jusque sur le
plateau de l’édition 2014 des Victoires De La Musique. Le soir de cette
cérémonie Christine And The Queens est nominé dans la catégorie « Groupe
ou artiste révélation scène » et y interprètera son titre phare qui
entrera du même coup, et pour la première fois, dans les charts selon le
Syndicat National de l’Edition Phonographique (SNEP)[16]. La
prestation très remarquée ce soir-là permettra à Christine d’assurer la
première partie de quelques concerts de Stromaé, dans les sud du pays et en
Suisse fin mars 2014, touchant un public cette fois bien plus large. De l’aveu
même de l’intéressée, il y eu un « avant » et un « après »
Victoire De La Musique[17].
C’est
le 2 juin dernier que paraissait Chaleur
Humaine[18]
premier format long estampillé Christine And The Queens, un premier opus pour
lequel trente morceaux furent composés et, au final, onze retenus. Onze titres
sur lesquels nous allons désormais nous attarder…
Chaleur Humaine : Chronique
des genres
Dix
des onze titres que renferme finalement ce premier opus furent intégralement
écrits, composés et arrangés par la seule Christine, la production et le mixage
final, réalisé au studio londonien The Mix Room, étant placés sous l’égide de Ash Workman, producteur s’étant récemment
illustré sur Love Letters, dernier opus publié par le groupe de musique
électronique Metronomy, en 2014 chez Because Music. Cette collaboration s’est
instaurée suite au conseil du patron de Because Music. Suivant la
recommandation, Christine entrera en contact avec Workman, lui faisant part de
son envie de voir son futur album paré d’un son proche de celui contenu sur les
productions R’n’B de Kanye West ou autre Drake ![19] Si
une idée quant à la sonorité générale semblait se dégager dès le départ, Il
n’en fut pas de même quant à la question du genre musical stricto sensu dans lequel s’inscrirait ce premier
effort discographique, Christine se refusant à se cantonner aux limites
imposées par la Chanson, la Pop, la variété ou autre[20].
Première constante, revendiquée par elle-même, traversant l’ensemble de ce
projet que l’on peut ici souligner. Le mastering de
l’album s’est également fait à Londres, au studio Alchemy Mastering, et est l’œuvre
de Matt Colton.
Chaleur Humaine ne pâtit pas de la présence
d’un personnel pléthorique. En effet, outre les présences de Christine, Ash Workman et celle d’un ensemble
de cordes, seuls trois musiciens ont pris part à l’élaboration de cet opus. Ce
retrouvent donc ici : Gabriel Stebbing qui officie aux synthétiseurs,
piano, Fender Rhodes, orgue Hammond, violoncelle, six cordes électrique,
guitare basse, shaker, tambourin, cymbale et qui nous gratifie également de
quelques chœurs sur l’un des onze titres. Son comparse Michael Lovett à lui un
office très similaire, pour ne pas dire quasiment identique, se chargeant sur
différents titres des parties de synthétiseurs, Fender Rhodes, guitare, guitare
basse et percutions. Le pianiste Cicely Goulder est lui présent sur six titres.
Enfin la programmation rythmique de l’ensemble des compositions fut assurée par
Ash Workman, ce dernier jouant également toutes les parties de synthétiseur
basse et œuvrant finalement au saxophone sur un titre.
Musicalement
l’opus s’inscrit dans la droite ligne des productions précédemment proposées
par Christine And The Queens. Demeure ici l’habillage sonore minimaliste,
auréolé de beats R’n’B, sur l’ensemble duquel dominent conjointement
synthétiseur et autre boite à rythme, les cordes et le piano se chargeants
d’apporter à quelques titres une très légère touche baroque. L’auditeur ayant
écoutés les différents maxis précédemment sortis ne sera point surpris. On
remarquera tout de même plus de finesse apportée à la production de l’ensemble.
Cette dernière est précise et concise, même trop. Chaque élément sonore, chaque
instrument y trouve parfaitement sa place, tout y est calibré, carré et poli à
souhait, rien ne s’y voit négligé. Inutile d’y chercher faiblesse quelconque.
Si cette production concourt parfaitement à l’homogénéité globale du disque,
elle amoindrît singulièrement certaines subtilités pouvant parer quelques-unes de
ces chansons, confiant d’un même coup à ce recueil de titres un rendu et un
aspect sonore pouvant sembler bien trop lisse ou froid et calculé, c’est là
l’aspect le plus dommageable d’un travail incontestablement accomplit avec
minutie.
It,
plage titulaire du disque, s’ouvre sur une douce introduction de clavier,
secondée par une boucle de boite à rythme et quelques accords, plutôt simples,
joués au synthétiseur. La voix est elle mixée en avant et se voit discrètement
soutenu par des chœurs, preuve faite que, même lointaines ou au travers d’un
écho, les queens se font entendre. Déjà, sur ce premier titre, se retrouvent
face à face les langues de Shakespeare et Molière. D’après les dires de
Christine l’utilisation de deux langues distinctes au sein d’un même texte lui
permets de briser le rythme ordinaire d’une chanson. Sur ce point, elle
déclare :
« Toutes mes chansons partent de la
musique, j'improvise le chant ensuite. Allier français et anglais me permettent
de créer des ruptures qui m'intéressent, entre couplet et refrain par exemple.
Raconter la même chose dans deux voies différentes. Quand je sens la cohérence,
je garde. Hybrider le langage. Comme les musiques, les gens, les genres: c'est
le bordel, cet album! » [21]
Le
texte aborde sans détour la question du genre, thème qui traversera plus ou
moins directement l’ensemble du disque, qu’elle semble à tout prix vouloir
dépasser. Ce thème peut même se réfléchir jusque dans le titre de la chanson et
le pronom indéfini anglais. Revenant précisément sur ce sujet dans la presse,
elle déclarera:
« La question du genre a
toujours structuré ma vie. Je ne me sens pas très à l’aise avec la féminité des
magazines, et les codes classiques de la séduction. J’en préfère d’autres. J’ai
toujours aimé les personnages borderline. Même quand je faisais du théâtre, je
voulais sans cesse interpréter Chérubin (jeune page du Mariage de Figaro, au caractère ambigu, ndlr)… Je suis plus à
l’aise dans un entre-deux, qui permet de se créer un espace de liberté. Du
moins, pour moi ».
Le
texte est lui sans ombrage : « Cause
I've got it/ I'm a man now/ Cause I've got it/ I'm a man now/ And I won't let
you steal it/ I bought it for myself/ I'm a man now/ Oh Lord ».
Second
titre et premier extrait de cet album, Saint
Claude arrive ensuite paré, comme le titre précèdent, d’une nappe de synthétiseur
aux accords simples et d’une boite à rythmes au beat minimaliste. L’accent semble clairement mit
sur une voix toujours mixée en avant et nous donnant à entendre un texte
oscillant entre langues française et anglaise. L’efficacité de l’association
culmine ici sur un refrain réussi. Saint Claude ou une relation qui s’étiole
aussi rapidement que dure un trajet en métro pour finalement trouver son
épilogue deux stations plus loin :
« Toi seul gardes de l'audace/ Il faudrait que tu la portes loin/ Je
descends deux enfers plus loin/Pour que l'orage s'annonce. »
Synthétiseur
et boite à rythmes toujours à l’honneur sur Christine,
titre anciennement connu sous le titre
Cripple, paru sur l’EP Mac Abbey, et
ici revisité et doté d’un chant en français plus accrocheur tout de même que le
texte anglais originel . Le beat principal du titre est plutôt efficace.
Peut-être une orchestration différente et/ou plus étoffée lui aurait-elle
permis de se détaché d’avantage de cet ensemble, mais reproche ne peut être
formulé pour avoir respecté le titre d’origine. Ce sont les thèmes du
travestissement et de la transformation
qui semble avoir conjointement donnés matière à l’élaboration de ce
texte : Ces enfants bizarres/ Cachés
dehors comme par hasard/Cachant l’effort dans le griffoir/ Et une creepy song
en étendard qui fait:/ « J’fais tout mon make-up au mercurochrome/Contre
les pop-ups qui m’assurent le trône. »
Science-Fiction
se délit progressivement sur un rythmes et un son aux prédominances Electro
mais comporte un son de basse beaucoup plus rond et marqué que les compositions
l’ayant précédés sur cet opus. Ce titre est l’unique occasion pour l’auditeur
de découvrir, face au français, un passage chanté un italien. Ici, comme
stigmate de la dépression vécue par l’auteure, c’est le suicide qui semble
clairement évoqué : « Des
astres épars/ Dont l'on ne revient jamais/ Espace sans mémoire/ Un jour je
partirai/ Pour neuf planètes, autant de vies/ J'attends la marée céleste/ Neuf
planètes, autant de vies/ La lumière comme dernier geste. »
Vient
ensuite l’un des plus jolis moments réservés par ce disque avec Paradis Perdus, reprise de la célèbre
composition du chanteur Christophe, au texte signé par Jean-Michel Jarre[22].
Christophe est considéré par Christine comme étant, au même titre que Serge
Gainsbourg, Alain Bashung ou autre Daniel Balavoine, l’une de ses rares
références en matière de Chanson française[23].
L’interprétation est jolie et pour partie assez fidèle à l’originale. Pour
partie car nous la découvrons ici savamment couplée au refrain et à une partie
de la chanson Heartless[24]
de Kanye West! Une association qui a la première écoute surprend mais dont
l’émotion qui s’en dégage et la qualité intrinsèque finit sans trop de peine
par convaincre l’auditeur. Une réussite. Il s’agit bel et bien d’une reprise
mais il n’en demeure pas moins que ce titre ce pare de la résonance la plus
personnelle qui soit lorsque que l’on songe au dires de Christine au sujet de
son récent passé : « Dandy un
peu maudit, un peu vieilli/ Dans ce luxe qui s´effondre/ Te souviens-tu quand
je chantais/ Dans les caves de Londres?/ Un peu noyé dans la fumée/ Ce rock
sophistiqué… »
Half Ladies,
titre au rythme mid-tempo imprimé à grand renforts de « Handclapps »
arrive ensuite et est soutenu tout au long par le synthétiseur et une boite à
rythme se faisant assez légère. Inspirée semble-t-il d’une composition de
Beyonce, ce titre aurait été écrit en réaction face au canon actuel de la
beauté, voulant plutôt ériger en canon la femme imparfaite ou parfaite, mais
seulement « à moitié » : « Le corps rien à faire/ Immobile fléau/ Il
n’y a qu’un humeur/ un amour et sa douleur/ Qui marque la peau./ Depuis
longtemps j’ai porté/Le doute devant, en collier./ Laissez passer toutes les
Half-Ladies. »
C’est
sur une discrète nappe de clavier, juste appuyée par une boucle de boite à
rythme, discrète elle aussi, que s’articule Chaleur
Humaine, le titre éponyme. Un rythme lent et des plus carrés sur lequel
vient se plaquer une ligne de chant du même acabit. Le texte revient
certainement sur l’expérience faite de l’amour physique : « Je suis contre la chasteté/ Ces refus
à bouche fermée/ Qui font du corps l'ont encore à payer/ Et sonne l'éclat des
frivolités car.../ Ce gamin-là/ me montre tout/ Et pointe du doigt/ La
non-beauté des nudités/ Pour m'initier/ Dans un sourire/ à la chaleur
humaine ».
Narcissus Is Back,
titre pourvu des mêmes attributs musicaux que ceux l’ayant précédés sur cet
album, donne à entendre un chant anglais plus convaincant encore que précédemment.
Sous le parement d’un son en grande majorité synthétique, une six cordes
électrique se fait entendre sur le final du morceau. Le thème de la séparation
se couple ici au mythe revisité :
« I’ll cry a thousand more mirrors/ So that your eyes could get brighter/
Obediently I baer your name/ I’ll share it with the wind I tamed/ But can you
see my heart ? ».
Chant
anglais, boite à rythme, discrets accords joués au piano et ornement de cordes lascives
pour une petite touche de chaleur, tels sont les principaux ingrédients du
titre suivant, à savoir Ugly-Pretty.
Un titre qui recèle en son sein un bref passage assimilable, de près ou de
loin, à un talk-over déclamé en français dans le texte : « Ils
ont insisté pour me montrer une vidéo/ Où les visages s'effondraient/ A cause
de la mauvaise connexion/ Où les pénétrations en gros plan/ Promettaient des
gouffres/ J'ai pensé aux creux sur ta peau/ J'ai ri avec eux de la vidéo,/
Alors que j'étais profondément émue. »
Vient
ensuite Nuit 17 à 52, titre ayant
assez vite rencontré un accueil plutôt chaleureux auprès du public et ce avant
même la sortie de cet opus. Sur ce point, il est intéressant de rappeler que ce
titre n’aurait probablement jamais dut connaitre de sortie, son auteure la
jugeant « trop classique » par bien des aspects[25].
Ce titre, écrit en l’espace d’une heure, se signale par une minimaliste
introduction jouée au clavier, délivrant ainsi l’écrin idéal pour que soit fort
joliment mise en relief la voix de Christine. On appréciera aussi sur ce titre
la présence suggestive des cordes. Le thème de la rupture, la perdition est ici
une nouvelle fois abordé : « Je
crois que le nombre lutte contre l'oubli/ Et je hais déjà la triste nuit 53/
Nuit 52 tu paraissais si menacé/ Avide des vents qui venaient disperser/30, sa
parfaite obscurité et ta revanche/ Au petit matin c'est l'horizon qui penche. »
C’est sur la composition nommée Here que ce referme cet opus. Un titre contenant son office de
synthétiseur et un chant au mixage toujours bien en avant, constante de cet
album, et mêlant aussi sur cette conclusion le français et l’anglais, autre
constante une nouvelle fois à soulignée. Une chanson qui paraitra peut être un
peu moins aboutie que l’ensemble mais qui nous offre un final ou les corde
s’octroient de l’espace pour une conclusion aux effluves légèrement baroques.
Le texte se veut, peut – être, l’évocation
d’une certaine forme de vanité :
« Don't let anything be lost/ La mémoire est un animal/ Don't let anything
be lost/ Silence mat réveil brutal/ Here is where everything happen/ J'évolue
en vivante trace à peine un peu effacée.»
« La chaleur humaine
m’est venue de toutes mes familles, celles dont j’ai hérité
Celles
que je me suis construites…Parce que l’on en vient à naitre plusieurs
Fois
dans une seule vie. »
*****
Depuis
début juin personne n’a pu échapper à ce Chaleur Humaine, bien aidé que fut ce
disque par une presse généraliste ou spécialisée dithyrambique à l’excès. S’il eut
fallu trouver quelques bonnes raisons de ne point s’intéresser à ce pouvait
nous offrir ce premier opus, presse et télévision nous les livraient à grand
renfort d’interviews et autres critiques noyées la plupart du temps dans un
déluge d’enthousiasme.
Une
fois abstraction faite de tout ou partie de ce qui a pu être dit ou écrit sur
ce disque lors de sa sortie, se révèle un disque de Synthpop mainstreem (aspect
du disque revendiqué et assumé par Christine elle-même) plutôt sympathique et
bien fait dans lequel se reconnaitra en priorité une frange plutôt jeune du
public et surtout en grande partie féminine. Difficile d’émettre un avis
véritablement tranché sur cet opus qui, comme tout album, renferme ses qualités,
défauts et petites facilités. Malgré cela l’ensemble se laisse facilement
écouté. Peut-être ce disque aurait-il gagné en richesse et chaleur sonores et
se faisant moins l’apanage du son synthétique et versant dans une ornière bien
plus Pop ou Rock. Le successeur de Chaleur Humaine déjà en chantier serait,
selon les dires de Christine, porteur d’un son plus chaud et puissant[26].
Seul un second opus pourrait véritablement nous permettre de prendre le recul
suffisant et nécessaire pour porter une oreille objective à ce Chaleur Humaine,
le temps aidant lui aussi considérablement en la matière. Ce disque doit avant
tout être écouté et apprécié pour ce qu’il est et restera : Un premier
album, point de départ d’une carrière à peine véritablement entamée, premier
pas d’un personnage demandant encore à être affiné et à évoluer à l’avenir.
Liste
des titres :
1. It
2. Saint
Claude
3. Christine
4. Science-Fiction
5. Paradis
Perdus
6. Half
Ladies
7. Chaleur
Humaine
8. Narcissus
Is Back
9. Ugly-Pretty
10. Nuit
17 à 52
11. Here
Christine
And The Queens, Chaleur Humaine,
Because Music, 2014.
Xavier Fluet
Publié
le : 20/09/2014 par La Gazette De Paris.
[1] Philippe Brochen, « Christine
And The Queens, la vie scène », Libération,
29/05/2014. Lien : http://next.liberation.fr/musique/2014/05/29/christine-and-the-queens-la-vie-scene_1029715
[2] « Christine And The
Queen », Wikipédia. Page
consultée le 10/09/2014. Lien : http://fr.wikipedia.org/wiki/Christine_and_the_Queens
[4] Géraldine Sarratia, « Christine
And The Queens, la liberté d’être soi-même », Les Inrockuptibles, 20/07/2014. Lien : http://www.lesinrocks.com/2014/07/20/musique/christine-and-the-queens-la-liberte-detre-soi-meme-11515184/
[5] Ibid.
[6] Id.
[8] Id.
[9] Cf. Note 2.
[10] Emmanuelle Chiron , Yannick
Delneste, « Christine And The Queens, La Ballade des genres
heureux », Sud-Ouest,
14/07/2014. Lien : http://chansonfrancaise.blogs.sudouest.fr/archive/2014/07/14/christine-the-queens-1024397.html
[11] Christine And The Queens , Miséricorde, Remark Records, 2011
[12] Cf. Note 4.
[13] Christine And The Queens , Mac Abbey, Remark Records, 2012
[14] Cf. Note 2.
[15] Christine And The Queens , Nuit 17 à 52, Because Music, 2013
[17] « Christine And The Queens :
« J’adorerais être une icône gay ! », Télérama, 25/04/2014. Lien : http://www.telerama.fr/musique/christine-and-the-queens-j-adorerais-etre-une-icone-gay,111590.php
[19] Cf. Note 4.
[21] Ibid.
[22] L’originale paraissait en 1973,
sur le label Minotors, au sein de l’album Les Paradis Perdus de Christophe
[23] Cf. Note 4.
[24] La chanson Heartless
est publiée en
2008 sur 808s & Heartbreak, 4e opus studio signé par le rappeur américain.
[25] Cf. Note 4.
[26] Cf. Note 4.
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