2002-2012 :
Une décennie glorieuse
La décennie qui vient
de s’écoulée fut incontestablement des plus faste pour le groupe Indochine.
Celle-ci fut d’abord marquée par le véritable renouveau médiatique et le succès
tant critique que commercial du groupe consécutif à la sortie en 2002 de son neuvième
album Paradize, effaçant du même coup la « disette » médiatique connue par Indochine, bien que le groupe n’ait
jamais mis un terme à son activité, au long des années 90. Paradize était le
signe du grand retour d’un groupe phare des années 80 sur le devant de la
scène, devant de la scène qu’Indochine n’a depuis pas quitté.
Paradize est
incontestablement de ces albums auquel on ne peut échapper. Son écoute vous
marque durablement. Avec ce disque Indochine nous livre un son nouveau, bien
éloigné de celui de ses origines, délaissant la New-Wave et son coté Pop/Rock-
Rock FM au profit d’un son résolument plus Rock encore, plus dur et plus froid
mettant en avant le son des guitares et contenant des incrustations sonores
proches du Métal et du Nu-Métal, un son bien plus moderne et
« actuel ». On peut sur ce point saluer le travail d’Olivier Gérard,
guitariste du groupe et compositeur/arrangeur de nombreux morceaux de Paradize,
dont l’apport dans le nouveau son d’Indochine était déjà perceptible sur le
prédécesseur de Paradize, l’album sorti en 1999 Dancetaria, dont Gérard
signait les arrangements. Paradize, tout en étant un renouveau, s’inscrivait
donc également dans la continuité et se révélait la suite logique de
Dancetaria.
Passé le succès
retentissant de Paradize, Indochine nous livre en 2005 le double album Alice &
June. Comme sur le précédant disque la musique de ce double album est
résolument Rock est puissante avec toujours présente la prédominance des sons
de guitares. Toutefois, peut-être pour être demeuré très ou trop proche du son
de Paradize, Alice & June se révèle être au fond moins convaincant, l’effet
de surprise n’est plus et les titres sont de facture assez convenue comparés à
ceux figurants sur Paradize. L’album pâtit également de sa longueur et de son
hétérogénéité contrairement à son prédécesseur. Cela dit, même si le succès fut
moindre, ce disque contient tout de même son lot de titres accrocheurs et
réussis. Le Alice & June Tour fut lui aussi une réussite.
2007 voit l’occasion
pour Indochine de fêter ses 25 ans d’existence (le groupe s’est originellement
formé en 1981) par l’intermédiaire de la sortie du disque live Hanoi. Il s'agit de
l'enregistrement du concert donné avec un orchestre philarmonique à l'opéra
d'Hanoï au Viet Nam, le 6 juin 2006.
Le onzième album
studio, La République Des Météores sort le 6 mars 2009. Sur cet album on note
le retour d’un son parfois légèrement Pop et Glam sur certains titres, l’abord
des thèmes comme l’absence ou la guerre par exemple. L’écriture des textes
semble aussi particulièrement soignée. Succès, le disque sera certifié triple
disque de platine avec, depuis sa sortie, 300 000 exemplaires vendus. Suite
à cette sortie le groupe s’embarquera dans le Meteor Tour, d’une envergure et
d’une qualité encore supérieures à feu le Alice & June Tour de 2006-2007.
Nombre de fans considère encore aujourd’hui ce Meteor Tour comme la toute
meilleure tournée du groupe… Le point d’orgue de celle-ci fut le désormais
célèbre concert donné par Indochine au stade de France le 26 juin 2010.
Indochine devenant le tout premier groupe français à réussir à se produire dans
cette enceinte pour un concert joué à guichet fermés. Le groupe en tirera
l’excellent DVD Putain De Stade commercialisé le 17 janvier 2011, témoignage
vidéo de cette tournée de tous les records.
Paradize
+10 : réminiscences et festivités
Le 13 février 2012 voit
arriver sur le marché le double album Paradize + 10, nouvelle édition de
l’album mythique du groupe pour fêter les dix ans de sa parution. La
remasterisation du CD original se voit accompagnée cette fois d’un CD contenant
remixes et titres inédits prévenants des sessions de Paradize. Ces inédits sont
Glory Hole, Comateen II et Le doigt sur
ton étoile. Un DVD est également vendu, contenant, outre un Making Of de
Paradize, l’enregistrement de 5 titres live dans les studios parisiens Davout,
la Davout Session. A l’occasion de cette sortie, Indochine
a organisé deux concerts au Zénith de Paris les 1er et 2 février 2012. Pendant
les deux concerts un morceau inédit a été joué : Kill Nico qui devait figurer sur le prochain album.
Prologue
à un nouveau départ
Les informations concernant
le nouvel album studio commence à être divulguées fin septembre 2011. Le
groupe annonça être en studio depuis deux mois pour l’enregistrement d'un
nouvel album qui est achevé durant l’été 2012. Le 27 aout 2012,
le groupe annonça que c'est Shane Stoneback qui fut choisi pour mixer le nouvel
album dans un studio new-yorkais, le SMT Studio. Le 16 octobre
2012, le magazine Lords of Rock annonce que le nouvel album sortira le 11
février 2013. Puis, le 07 novembre 2012, le groupe poste sur son site une démo
du premier single du nouvel album, ce single s’intitule Memoria et sort le 15 novembre 2012. Ce même jour, Indochine poste
qu'il va bientôt commencer une tournée intitulé Black City Tour I, longue de 16
dates, à travers la France pour promouvoir le disque. C’est le premier leg
d’une tournée annoncée comme pouvant durer de deux à trois ans. Ce qui peut
constituer un record, là aussi, pour un groupe français.
Le 27 novembre 2012 une
écoute de 8 des 14 titres que compte le disque est diffusée à la presse par
Arista, maison de disque d’Indochine, qui dans un communiqué présente ainsi ce
nouveau disque : «Durant quatorze mois, les membres
du groupe ont beaucoup voyagé, fixé des ambiances dans des villes comme Berlin,
Tokyo ou New York… et ont écrit pas moins de quarante chansons et dans chaque
ville, de nuit ou de jour, c'est la parade de la comédie humaine».
Le titre, Black City
Parade, est à cette occasion confirmé.
Parade
urbaine et voyage en clair-obscur
Ce disque est donc,
comme son titre nous l’indique, directement inspiré par la thématique de la
ville. La thématique urbaine ainsi directement explorée sur la durée d’un opus
dans son entier, voilà qui constitue une première pour Indochine. Cela
tiendrait au fait que, pour la première fois, les membres du groupe, et Nicola
Sirkis en particulier, ont commencé l’élaboration de ce nouvel opus sans avoir
idée, qu’elle soit plus ou moins précise, du concept général a adopté, de la
voie à suivre pour accoucher de cet album. Rien donc ne donnait à définir
clairement le résultat final que matérialiserait l’arrivée dans les bacs des
disquaires du douzième album studio d’Indochine. Celui-ci est le résultat d’un
travail long de quatorze mois, quatorze mois de pérégrinations qui auront vu
Indochine écumer les studios parisiens, bruxellois berlinois ou new-yorkais en
passant par une halte tokyoïte. Le groupe rompait ainsi avec l’habitude qu’il
avait de travailler avant tout entre Paris et Bruxelles.
C’est une véritable mosaïque citadine qui
thématise cette nouvelle œuvre dont l’incontestable richesse témoigne de la
meilleure des manières de la diversité des lieux visités, des paysages et des
« choses vues », de leurs atmosphères et paradoxes. Nicola va jusqu’à
remarquer que ce défilé de villes est allé jusqu’à influencer directement la
production du disque, celle-ci étant souvent qualifiée de « puissante ».
On pourrait, dans une moindre mesure, la qualifier également « d’urbaine ».
Le travail de Shane
Stoneback à la production est globalement irréprochable et aucune « faute
de gout » n’est à déplorer sur ce Black
City Parade. Point de titre surproduit non plus.
Musicalement cet opus
s’inscrit dans la droite ligne des œuvres étiquetées « Indochine » depuis
près de dix ans maintenant. Nous avons droit à un album de Pop/Rock dont les
titres calibrés se montrent une fois encore d’une efficacité à toute épreuve.
Indochine donne toujours à entendre ces morceaux reposants sur un habile
mélange alliant efficacité et simplicité, structurellement proches, sans pour
autant que cela soit synonyme de qualité moindre. Une recette maitrisée en
somme !
Indochine a su maitriser sa Parade urbaine :
l’ensemble fait la part belle aux mélodies, certes simples mais efficaces
(imparables mêmes !), riffs de guitares qui eux aussi sont tout aussi tranchants, que ce
soit par leur force d’accroche auditive ou par leur puissance intrinsèque. Le
tout se voit soutenu par des nappes de claviers très présentes et qui, sur l’ensemble
de l’album, se révèlent vite indispensables à cet édifice sonore. Elles
apportent un accent de new-wave et d’électro des plus froids, tant leur
intervention se révèle des plus « carrées », ajoutant de la sorte au
ton général de l’album. La section rythmique et globalement (mais pas
uniquement) un peu plus en retrait au vu de l’ensemble, même si, par exemple,
les lignes de basses demeurent des plus efficaces. Black City Parade rappellera
peut-être à certain, aux vues de l’utilisation faite des claviers et des
guitares entre autres, l’opus Dancetaria. Voilà qui devrait ne pas déplaire
outre mesures !
Autre atout
d’Indochine, et non des moindres : Nicola Sirkis, sur qui le temps semble ne
pas avoir d’emprise et qui n’a pas d’égal pour ce qui est de plaquer sur une
musique résolument puissante et directe des textes qui souvent tranchent
indéniablement par leur simplicité et leur herméticité. Nicola a confié être
totalement incapable d’écrire une histoire dotée d’un début, un milieu et d’une
fin et assumé pleinement ses textes et leur coté jugé parfois puéril… Indiscutablement
ils sont un élément de ce qui constitue
le son, la marque de fabrique d’Indochine.
Il en va de même pour son chant (qui n’est jamais mixé trop en avant sur ce
disque) livrant quantité de refrains imparables est semblables à des hymnes
prêts à être repris par plusieurs générations de personnes lors des concerts.
Des hymnes et des refrains imparables, Black City Parade n’en manque pas, bien
au contraire !
Embarquement et itinéraire
«
Nos maitres sont morts / Et nous sommes seuls / Notre génération n'est plus une
génération / Ceux qui restent / le rebut et le coupon / d'une génération qui
promettait, hélas, plus qu'aucune autre / Tout au monde est désaxé / Tout / Et
nous, enfants gâtés / Nés pour le plaisir du soir / la douceur des lampes / le
crépuscule qui fond les contours / Nous voici en pleine apocalypse / Nous
aimons tout ce qui finit et tout ce qui meurt/
Voilà pourquoi, sans doute, tous nos amis sont morts / Notre faute est
d'y survivre »
C’est par cette prose,
que nous devons à la plume de Mireille Havet, extraite de son journal, et dont
la lecture nous est ici donnée par une autre femme de lettres, la poétesse
Valérie Rouzeau, que débute ce nouvel opus. Prologue au voyage auquel nous
invite ce Black City Parade, délivré sur fond de guitares matinées et nappe de
synthétiseur, la plage luminaire Black
Ouverture pourrait être considérée comme constituant la trame de ce
douzième album.
C’est par un riff de
guitare puissant et des plus accrocheurs que débute le titre éponyme Black City Parade pour ensuite se déroulé sur un mid- tempo soutenu
faisant la part belle à la mélodie et valorisant le son de claviers froid et
proche des sonorités 80’s sur une rythmique des plus « ronde ». Une
réelle énergie se dégage du titre, accentuée par la montée en puissance de la
chanson, son pont, ses gimmicks guitaristiques et le refrain entêtant qui
l’accompagne. Une invitation au voyage qui ne laisse pas indiffèrent :
« I’ve got a way to see / I’ve got a
way to me / Je t’emmènerai à vie / Je t’enlèverai d’ici… / Une parade et puis
s’en va / Je ne sais pas / Je ne sais
pas où l’on va mais on ira…. » Nous prenons part à une parade dont l’issue est l’inconnu…
Le titre College Boy démarre lui lentement, la
voix de Nicola Sirkis n’étant accompagné dans les premiers temps que d’une
seule guitare acoustique, puis rebondie grâce aux riffs plaqués imprimés par
les guitares. L’utilisation de boites à rythmes et de nappes de synthétiseurs
sur un mid-tempo distillent sur ce titre un coté profondément Pop. Cette
chanson aborde un thème cher au groupe, et à son leader en particulier,
l’homophobie. On ne peut s’empêcher de remarquer ici un fort écho à l’actualité
certes, mais cette chanson, mettant en scène un jeune protagoniste masculin aux
prises avec la difficile acceptation de son homosexualité, fut finalisée dès le
mois de mai dernier. L’origine de cette chanson découle d’une réaction très
vive de Sirkis fasse aux propos homophobes tenus par un groupe de rap, signé
sur le même label discographique d’Indochine, et aux excuses en demie teinte
formulées par ce même label. En résulte donc, en plus d’un changement de label
(passage de chez Jive/Epic à Arista France, toujours chez Sony Music France),
ce titre et ces paroles : « J’apprends
d’ici que ma vie ne sera pas facile / Chez les gens / Je serai trop diffèrent
pour leur vie si tranquille / Pour ces gens…/ Je comprends qu’ici c’est dur
d’être si diffèrent pour ces gens / Quand je serai sûr de moi / un petit peu
moins fragile, ça ira. »
Memoria,
premier simple tiré de cet opus pour le promouvoir, accroche l’oreille dès les
premières notes de son introduction au clavier et bénéficie d’une montée en
puissance sonore très progressive couplée avec un refrain entêtant et un pont
des plus efficace. Bien que ce titre soit le plus long du disque, plus de 7
minutes, l’ensemble de cette évocation d’un amour perdu, de la réminiscence
d’une époque révolue et d’un possible retour, demeure des plus calibrée et
efficace: « J’arrive parce que j’ai
besoin de toi / Je reviendrai tout recommencer comme un amoureux à tes pieds…
Un jour je serai de retour prés de toi / un jour je ferai tout en notre
mémoire…/ un
jour je ferai tout pour être avec toi. »
C’est ensuite en
compagnie de Kelly et Johnny que la ballade se poursuit avec Le fond de l’air est rouge, titre qui
nous voit faire escale au Québec sur fond de musique au rythme modéré mais au
refrain accrocheur, puissant et soutenu par des gimmicks de claviers qui ne
sont pas sans nous rappeler l’époque ou la musique d’Indochine s’inscrivait
pleinement dans le courant New-Wave. Le titre trouve son inspiration première
dans les évènements dits du « printemps érable » survenus au Québec
l’an dernier. Le « printemps érable » fut un mouvement social de différentes associations
étudiantes marqué par une grève dans certains établissements d'enseignement
supérieur en réaction à l'augmentation des droits de scolarité universitaires. Indochine
thématise l’acte de rébellion face à l’injustice ainsi que la peur que celle-ci
peut engendrer dans l’affrontement : « Je reste ici / à jamais résister / La vague et défilé de nuit / Je
reste ici avec toi… ». « Nous marcherons ensemble / nous les mauvais
anges / nous les refusés / la vie ne nous touchera pas / nous les mauvais anges
/ d’un autre baiser…. ».
Après l’escale
québécoise vient une escale outre-Rhin, où nous croisons cette fois la danseuse
et chorégraphe Philippina Bausch en sa ville de
résidence Wuppertal. Une rencontre
orchestrée, dans un premier temps, sur un rythme lent avant que celui-ci ne
gagne en puissance, notamment grâce à la batterie dont la frappe pourrait rappeler
la cadence soutenue d’une marche, d’un travail astreignant et répété ou bien
encore d’une danse, et qui est couplée à des chœurs efficaces. Le morceau fut
inspiré à Nicola Sirkis par le travail de Philippina Bausch, fondatrice de la
compagnie Tanztheater Wuppertal, considérée comme l'une des principales figures
de la danse contemporaine et initiatrice du style danse-théâtre, et plus
précisément par le visionnage du documentaire « Les Rêves dansants »
sorti en 2010. Au sujet de ce film Sirkis déclarera :
« C’est un
documentaire dans lequel Pina Baush va dans une classe allemande où elle leur
(les jeunes élèves) demande de préparer un ballet de danse contemporaine pour
la fin de l'année. On voit tous ces gamins apprendre à jouer avec leurs corps,
à s'épanouir d'une force inimaginable et devenir lumineux. ».
Indochine nous
conforte peut-être dans le fait que l’art peut mener l’individu à se révéler,
se révéler à lui-même et au monde : « Que
c’est dur ici comme un sale enfer / de se tuer juste le corps et de voir / Grâce
à toi / oui grâce à toi / Oui mais au début ça faisait tellement bizarre / Quand quelqu’un me touchait, me caressait /
Quand quelqu’un criait et me faisait danser / Mais j’étais bien / Oui j’étais
bien / Alors merci oui merci de m’avoir choisi / merci d’avoir cru tellement en
moi / Aujourd’hui je suis devenu ce que je voulais / Oui ce que je
voulais ». Certains voient aussi en ces vers un hommage aux fans du
groupe. La chanson Wuppertal
occupe quasiment la place centrale de l’opus en cela qu’elle se trouve
quasiment en son milieu, c’est une indéniable réussite ! L’un des meilleure
titre de l’opus, qui nous promets à n’en pas douter de beaux et grands moments
lors de la tournée à venir.
L’ambiance urbaine de
New-York s’additionne ensuite au son d’un clavier tout droit venu des 80’s sur
un mid-tempo des plus classique, assortit à de jolis gimmicks de la part des
guitares pour annoncer, grâce aussi à un chant des plus posé, et non sans
ironie, l’arrivée prochaine d’un Messie,
loin d’être des plus innocent : « Oui
un messie va revenir et je ne peux qui croire
/ Ah quelle envie ah quel défi… », « On dit qu’il n’est pas
content et qu’il défie tous les gouvernants / Qu’il aime les garçons / Qu’il
vit avec des filles /…Comme un sexe droit / Il viendra…/ Ah quelle belle vie /
Ah quelle envie ». Malgré son ton quelque peu décalé et surtout ironique,
ce titre est peut être l’un des plus faible du disque.
C’est par le biais d’un
clavier chaviré, de riffs de guitares plaqués et d’un son de boite à rythmes
que nous atteignons notre prochaine destination, l’Irlande du Nord et Belfast plus précisément, le temps d’une
évocation d’un passé des plus meurtrit et de retrouvailles certaines qui
s’étirent malheureusement un peu trop en longueur (pas moins de 6
minutes) : « J’écris tout ce
que je devrais pour te voir / J’écris et je détruis tout pour te voir /
T’écrire un carnet noir ». « Et l’amante qui revient / Et l’absent du
matin ».
Passée la ville de
Belfast, nous aurons à faire à la Traffic
Girl nord-coréenne dans la chanson suivante. Une introduction à
l’atmosphère pesante, comme pour décrire l’air que la vie sous une dictature
peu donner l’impression de respirer. A cela s’ajoute le rythme et la mélodie du
morceau répétés tout au long comme pour mieux rendre compte du ridicule et de
l’unicité des mouvements répétés utilement par ces femmes chargées de régler la
circulation dans les rues pourtant désertes de Pyongyang. Au milieu de se morne
tableau, un refrain des plus entrainant et lumineux arrive et fait de ce titre
l’une des plus belles réussites de ce Black City Parade : « Là dans le matin immobile / Depuis
des mois / une ville devant tes yeux défile / Dans un uniforme mécanique /
Comme une poupée tu restes là Plus rien ne bouge, plus rien ne file / Depuis
longtemps, longtemps déjà / Le traffic devant tes yeux défile / mais n’existe
pas, n’existe pas ». Notons pour finir sur ce titre la participation de Mathieu Lescop.
Nous avons ensuite
droit à une douce sonate, Théa Sonata,
très certainement dédiée à la fille de Nicola, au cours de laquelle ce dernier
évoque peut être un futur plus ou moins proche décrivant les rugosités et
désillusions à venir au cours d’une vie qui reste nécessairement à approuver,
ainsi que la relation père / fille : «
Je sais que tu ne veux plus en parler là / Je sais que tu te caches pour prier
là…. ». « Tu voudras que je sois dans ta vie / Tu voudras / Etre la
seule dans ma vie / A jamais à tes peurs / A jamais à tes pleurs / A tes
rivières de pudeurs / A l’après à ton cœur/ A l’après à ton heure / A l’après mes
erreurs. » Le titre verse dans le Pop/Rock à l’accent mélancolique avec
une introduction reposant sur des notes de piano et des gimmicks de guitares
avant de s’accélérer dans sa seconde moitié.
Poursuivant dans le
registre Pop Anyway donne à entendre
une jolie évocation de l’amour définitivement perdu et de la désillusion dont,
souvent, il s’accompagne quand on sait un retour improbable. Au milieu de cela
ce sont les notes de guitare acoustique qui se détachent quelque peu. « Si tu reviens, je t’aimerais / Comme
un Dieu aime les siens / Je t’aimerais comme un Dieu, comme un chrétien envers
son prochain / Oui tu as besoin de penser à toi / Moi je ne pense qu’à nous /
regarder le plafond, accrocher la corde et fermer la maison. » On doit
la composition de ce morceau à l’ensemble du groupe, ce qui rompt avec
l’ensemble, les autre titres du disque étant principalement le fait de Nicola
pour les paroles, tandis que la composition des musiques est due, en majorité
mais pas exclusivement, conjointement à Nicola et Olivier. Anyway est aussi, avec à peine plus de 4 minutes, le titre le plus
bref de l’opus.
Nous
demain se singularise ensuite par son rythme effréné
qu’impriment à la perfection guitares et section rythmique. Rythme effréné
semblable à celui d’un moteur de berline en branle. On file à toute vitesse
vers la promesse d’une réunion, de retrouvailles déjà annoncées. L’ensemble est
plus qu’efficace, du riff de guitare très puissant, au roulement de caisse
claire en passant par la nappe de synthétiseur et le refrain incroyablement
accrocheur. Un titre qui fera certainement bien plaisir à entendre lors de la
tournée qui s’annonce ! « J’accélère /
Comme un volontaire / Rouler pour se retrouver / Foncer dans la
forêt…. / Filer droit / Et ne plus jamais freiner…/ Nous demain bébé oui
demain / Nous enfin on se retrouvera. » Les paroles sont cosignées par
Nicola Sirkis et Rudy Léonet qui a déjà collaboré plus d’une fois avec
Indochine par le passé.
Toujours sur un ton
très rythmé s’ensuit le titre, déjà connu depuis février dernier, car joué au
Zénith, Kill Nico, qui donne à entendre plus d’une rupture de rythme
ponctuée par un refrain imparable et une mélodie efficace, tout en conservant
une évidente simplicité. La réminiscence et le questionnement existentiel
pourraient être perçues dans ce texte : « Souviens-toi / Souviens-toi Kill me why / Kill me
why. »
Notre périple voit son
épilogue avec Europane (ou le dernier
bal), titre qui nous livre un ultime mid-tempo sur cet
album avec boucle de synthétiseur, agrémenté d’un bonne petite monté en
puissance sur le refrain. L’ultime étape est volontairement plus contemplative
avec une note douce-amère : « Ainsi
va la vie si chienne qui ne pardonne rien /ainsi vont nos vies parfois si
tristes qui ne parlent à chacun…/ Ici les démons reviennent…/ C’est la victoire
au loin / On se sent mieux… / Et puis
des fraises et puis du sang / Ah comme on nous ment /Et puis des rêves et puis
du vent / Et ça les reprends. » Véritable écho aux lignes écrites par
Mireille Havey…la boucle serait bouclée et le terminus atteint. Fin du voyage…
Dans son édition double
CD, Black City Parade contient trois piste supplémentaires : Le titre Salomé, porté par nombre de
synthétiseurs et autres boites à rythmes se révèle être au final un titre assez
moyen, le moins bon de tout l’ensemble peut-être…
Le très instrumental
(et aux échos urbains) Trashmen va
lorgner du côté d’un bon Glory Hole
et enfin citons le titre qui voit la contribution à cet opus de Tom Smith, le
leader du groupe anglais Editors et auteur du titre The Lovers (titre qu’il
interpréta d’ailleurs lui-même au cours de performances live). Cette ballade
donne à entendre Nicola chanter en anglais dans l’exercice du piano - voix. Le
titre est loin d’être des plus désagréables et apporte à toute l’œuvre sa
touche de joliesse, de douceur.
La jaquette est l’œuvre
des studios de création parisiens Death In Paris et est basée sur des clichés pris
par Nicola Sirkis et Yves Bottalico.
Le titre de l’opus,
Black City Parade, pourrait être compris comme une illustration des paradoxes
pouvant coexister au sein d’un même
environnement urbain, des paradoxes naissant de la population qui peuple cet
environnement (l’éloignement et la proximité simultanées existants entre deux
pôles radicalement opposés de prime abord, ceux existants entre riches et
pauvres, par exemple…).
« Alors merci oui
merci de m’avoir choisi
Merci d’avoir cru tellement en moi
Aujourd’hui je suis
devenu ce que je voulais
Oui ce que je voulais ».
*****
Si avec ce douzième opus Indochine ne révolutionne pas sa musique, aux vues de ce qu’il nous propose depuis près d’une décennie maintenant, et même si musicalement le groupe continue à délivrer cette musique qu’il maitrise si bien, la nouveauté réside plutôt dans le fait que certains titres trouvent un écho des plus particulier ( College Boy , Le fond de l’air est rouge par exemple). Jamais il n’avait été fait aussi clairement référence au fait d’actualité, ce qui confère à ce disque une profondeur et une résonnance certaine. A cela s’ajoute aussi que, même si il contient son lot de tubes et de titres forts, Black City Parade est peut-être moins évident à appréhender que ne le fut il y a quelques années La République Des Météores et est en tout état de cause bien plus aboutit encore qu’Alice & June, qui demeure lui des plus accessible à tout auditeur. Black City Parade mérite plus d’une écoute pour être apprécié, pour que ce dévoile toute sa richesse intrinsèque. C’est un disque qui semble aussi se trouver au plus proche de Nicola Sirkis…
Ceux et celles suivants
le groupe depuis des années trouveront tout ce qui fait le son, le charme
d’Indochine dans Black City Parade et ont d’ores et déjà réservé un accueil de
plus triomphal à cet album. Il en va de même de la réception critique en grande
majorité. Les déçus feront entendre que le groupe à proposer un disque
s’étirant trop en longueur (presque 90 minutes dans sa version 17 titres), que
nombres de titres sont structurellement semblables ou encore que les paroles,
mélangeant français et anglais sur plusieurs titres, frises l’indigence… Ce
disque n’est certes pas parfait…
Le Black City Tour,
prévu en trois actes, s’annonce déjà comme une réussite aux vues des ventes de
billets déjà constatées. Le groupe a pris une initiative que nous nous devons,
par les temps qui courent, de saluer : Celle de plafonner les prix des
billets, permettant ainsi au plus grand nombre de pouvoir profiter d’un
spectacle digne de ce nom.
Nicola Sirkis à
déclarer qu’Indochine ne souhaitait pas faire l’album de trop, aux vues de la
passion que ce groupe déchaine encore, et ce sans jamais laisser quiconque indifférent, il ne s’agira pas de
ce Black City Parade !
Notons enfin que pour
la première fois de sa carrière, Indochine a
accepté d'être filmé pendant toute la conception de l'album. Ce travail
(dont plusieurs minutes sont déjà disponibles sur certaines éditions de Black
City Parade) donnera lieu à un DVD d'une heure trente, Un long Making of, qui
devrait, en principe, voir le jour d’ici le mois de juin.
Liste des titres :
CD1 :
1. Black ouverture
2. Black city parade
3. College boy
4. Memoria
5. Le fond de l'air est
rouge
6. Wuppertal
7. Le messie
8. Belfast
9. Traffic girl
10. Thea sonata
11. Anyway
12. Nous demain
13. Kill nico
14. Europane ou le
dernier bal
CD2 :
1. Salome
2. The lovers
3. Trashmen
Indochine, Black
City Parade, Arista France – Sony Music France, 2013
Publié le : 20/02/2013 par La Gazette De Paris.
Xavier Fluet.
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