Flashback :
Des débuts à la renommée nationale
C’est le 27 avril 1981
à Gand (dans le district de Sint-Amandsberg plus précisément), dans la région
néerlandophone du Plat Pays, que Lien De Greef, future Lady Linn, voit le jour.
La jeune fille tombera dans la marmite huit ans plus tard et débutera son
apprentissage musical par celui du piano, de là naitra sa volonté de devenir
pianiste. À l’âge de quinze ans se sont ses capacités vocales qui commenceront
à être exploitées, Lien profitant de son intégration au sein d’un tout jeune
groupe de Rock, fondé par des amis, pour
prendre place, en plus de son rôle de claviériste, derrière le micro. Très vite
la demoiselle se découvrira meilleure dans le rôle de vocaliste plutôt que dans
celui de pianiste[1].
Ces premiers pas dans
le monde musical se concrétiseront un peu plus tard, à l’âge de 18 ans, par une poursuite d’études au conservatoire de
Gand pour une période d’environ cinq ans. Cinq années qui permettront à la
jeune femme de se familiariser avec le chant, la musique et la composition
propres au Jazz, sa source d’inspiration et influence majeure.
L’année 2004 marquera
la sortie du conservatoire et le début d’une collaboration nouvelle pour Lien,
celle d’avec le groupe de Pop Bolchi,
emmené par Jeroen De Pessemier. A cette même époque, les prémices d’un nouveau
projet centré sur le Jazz, qui très vite deviendra connu sous le nom de Lady
Linn And Her Magnificient Seven, se mettent en place. Ce projet résulte de la
volonté de Lien de fonder autour d’elle un groupe de Swing Jazz après cinq ans
passés à chanter et jouer du Swing Jazz au conservatoire. Entourée d’amis et de
musiciens qu’elle apprécie, elle parvient à former son propre groupe, qu’elle
qualifie elle-même de « petit Big Band », et joue une musique
fortement inspirée de celle ayant parcourue les années 30 et 40. S’ensuivra
ensuite le quasi-indispensable passage par la case « reprises », pour
une durée de quatre ans, avant que Lien ne se mette finalement à composer ses
propres titres[2].
Dans un entretien
accordé à Cécile Duclos pour le site La Toile De Pandore, publié le 4 avril
2012, De Greef définira le son et le style musical de Lady Linn And Her
Magnificient Seven de la façon suivante :
Pour
moi, c'est un mix, ce n'est pas un style. Les chansons sont plutôt romantiques, je trouve, et positives ! C'est
acoustique, organique. Et puis c'est pop, bien sûr, et il y a sans doute des
influences soul, jazz mais aussi country et bossa ».[3]
Le travail de
composition et d’écriture du petit Big Band belge se concrétise en 2008 avec la
sortie de Here We Go Again, leur premier effort discographique, qui se veut un
disque de Jazz, tant sur la forme que sur le fond, les musiciens ayant
pleinement, et certainement, voulu digérer les quelques années passées à jouer
du Swing Jazz. De cet album on retient avant tout la vivacité des rythmes
divers, les compositions enjouées, une voix au grain reconnaissable, maitrisée
et affirmée et une prédominance des sections de cuivres misent en valeur par
des arrangements conçus sur mesure. Lien confira d’ailleurs qu’à l’époque il lui
semblait avoir écrit ses morceaux en premier lieu pour les cuivres et dans un
seul et unique style : Celui des Big Bands[4]
Toute considération
purement stylistique mise à part, Here We Go Again sera couronné de succès et
permettra au groupe Lady Linn And Her
Magnificient Seven de décrocher leurs premières récompenses nationales
significatives : 2 MIA[5]
dans les catégories « Meilleure interprète féminine » et « Meilleur album pop
». Here We Go Again sera en outre disque de platine en Belgique et sortira chez
nous l’année suivante[6].
Ces débuts très prometteurs
et plutôt remarqués seront suivis par la parution, en 2011, de No Goodbye At
All, second opus de Lady Linn And Her
Magnificient Seven. Cet opus, en plus de marquer une évolution certaine dans le
style du groupe, voit celui-ci entamer une collaboration avec le producteur
Renaud Létang qui lui a par le passé œuvré sur les disques de Manu Chao, Feist,
Émilie Simon, Clémence Lhomme, Gonzales, Alain Souchon, Juliette, Abdel Malik,
Jane Birkin ou Mathieu Boogaerts entre autres.
La collaboration avec
ce producteur s’accompagne d’une nouvelle direction artistique, No Goodbye At
All offrant cette fois à l’auditeur, tout en restant encré dans l’univers du
Jazz, univers dans lequel les cuivres ne sont nullement négligés, une palette
de sons lorgnant désormais vers la Pop. Ce changement notable n’a en rien
émoussé les qualités entrevues sur le premier album et la voix de Lien se voit
parfaitement mise en valeur dans toute cette jouerie Jazz aux contours mâtinés
de Pop, la production de l’ensemble assurant un équilibre parfait au disque,
aux titre le composant, faisant du même
coup de celui-ci un bel écrin. Cette sortie a permis à Lady Linn de toucher un
public plus large au-delà des frontières de la seule musique Jazz.
Lien confira, au sujet
de l’enregistrement de ce second album, que les titres qu’il renferme furent
écrits de manière plus directe que par le passé et sans prise en compte des
futurs arrangements qui viendraient nécessairement garnir ces compositions
nouvelles. La création s’est donc voulue plus libre. Cette nouvelle façon
d’appréhender la composition s’est également traduite sur le laps de temps
nécessaire à l’enregistrement et au mixage du disque, l’ensemble ayant été
finalisé en une quinzaine de jours à peine[7].
De tout ce travail
ressort un disque mêlant sonorités Jazz, Pop et effluves de Soul nimbées d’un
son se voulant à la fois calibré et plus direct. No Goodbye At
All peut être perçu comme une « suite logique » à Here We Go Again de
la part de Lady Linn And Her Magnificient Seven, une suite permettant à la fois
au groupe de consolider les attentes placées en eux suite à la sortie de leur
premier opus (le Jazz et le Swing étant eux toujours présents) et de s’ouvrir,
de séduire un public plus large, le coté Pop plus accentué de cette collection
de nouveau titres offrant désormais un plus large audimat. Si l’on se place de ce
point de vue, Lady Linn And Her Magnificient Seven n’a pas loupé
le coche avec ce second opus, opus qui, en France, est sorti le 19 mars 2012.
Cette sortie sera suivie d’une assez belle carrière hexagonale pour ce disque,
permettant à Lien et son groupe de gagner en visibilité sur les scènes et
chaines de télévision françaises. Manifestement très inspirée à l’époque, Lien
confia même, lors de la promotion de No Goodbye At All, être déjà en train
d’œuvrer à la composition de ce qui devait être son troisième opus[8],
opus sur lequel nous allons désormais nous pencher plus avant.
High :
évolution et prise de risques ?
Après les succès
successifs de ses prédécesseurs, il va sans dire que ce qui devait être le
troisième opus de Lady Linn était pour le moins attendu. Le fonctionnement de
l’industrie musicale l’a mainte fois démontré : nombreux sont les jeunes
groupes à ne pas réussir ce que l’on serait tenté d’appeler « la
passe de trois », la sortie d’un troisième opus étant souvent révélateur
du devenir du groupe en question. Souvent le premier album fait office de
révélateur, le second confirme ou non le potentiel véritable du groupe et le
troisième, si la réussite est au rendez-vous, fait en quelque sorte office de
pierre angulaire dans la discographie et offre
ou non au groupe une place à défendre dans le paysage musical pour les
années à venir. A ce quitte ou double, souvent l’audace paye.
D’audace Linn et son
groupe ne semble pas en avoir manqué et ne pas avoir non plus hésité à prendre
l’adage au mot. En effet La chanteuse a confié dans nos colonnes percevoir la
sortie de ce troisième album comme une étape majeure dans sa carrière :
Celle qui lui permettrait de se défaire de cette étiquette de chanteuse
« rétro » qui semble lui avoir été accolée[9].
Sur cet album la vocaliste de Jazz assume pleinement son attrait pour la
musique House et l’influence qu’a pu avoir sur ses nouvelles compositions son
implication au sein du projet parallèle FCL, groupe pour lequel Linn mets sa
voix aux services de classiques de la House et de la musique noire
nord-américaine. Cette expérience sera qualifiée de « libératoire »
et aura également pour effet de désinhiber la jeune femme à l’entame du
processus d’écriture des titres qui devaient composer l’album qui nous occupe
ici.
L’écriture des titres
s’est elle aussi accompagnée de quelques changements notables, Linn ressentant
le besoin de délaisser quelque peu son piano au profit d’une six cordes durant
l’élaboration des premières démos. Une fois ces démos prêtes celles-ci furent
confiées aux bons soins du guitariste Bruno De Groote qui se chargea des
arrangements guitaristiques de chacune d’elles. Tout ce travail échoua
finalement entre les mains (et les oreilles) du producteur Renaud Létang qui
s’occupa par la suite d’octroyer à chacune des pistes les beats et tempos
adéquats pour l’enregistrement final et édifia du même coup la base sur
laquelle chacun des musiciens viendrait par la suite enregistrer sa partie en
studio.
Cette phase de la production transforma
parfois radicalement certains titres, à une ballade pouvait succéder un morceau
up-tempo par exemple…Voilà en tout cas qui semble témoigner de la fécondité du
travail accompli et mettre en exergue le rôle prépondérant joué par Létang dans
la conception finale de ce disque.
C’est en tout cas bel
et bien à ce dernier que nous devons sur ce disque la présence d’éléments
sonores propre à la Disco, la House ou la Dance, de telle sorte que, selon ce
que nous a confié Lady Linn, le son que
renferme High est vraiment la résultante du travail conjoint des musiciens et
Renaud Létang, ayant vraiment su mettre à profit la liberté qui leur étaient
donnée sur cet enregistrement[10].
Combiner cette fois la
musique Pop aux influences Disco, House, Soul, R&B, Reggae, Gospel et Folk
pour mieux laisser de côté le Swing Jazz des années 40, ce pari pouvait sembler
risquer, c’est pourtant celui que toute l’équipe à tenter de relever en sortant
High !
Une
collection de chansons « honnêtes et fraiches »
High sera dans les bacs
dès le 31 mars prochain. La production du disque est irréprochable, le son est
à la fois « carré » et « calibré ». On ne décèlera pas
d’esbroufe ou un quelconque défaut de
surproduction : Chaque ligne instrumentale est propre et peaufinée, aucun
instrument ne se voit négligé au profit d’un autre non plus. La voix très Soul
de Linn est, elle vraiment mise en avant sur toute la longueur de l’album. En
plus du son, c’est là un premier vecteur d’unicité pour ce disque.
De jolis accords de
guitare acoustique introduisent Regret,
plage titulaire et premier simple extrait de cet opus, avant de soutenir la
voix de Linn qui d’entrée est parfaitement mise en avant et en valeur. Le titre
recèle une agréable mélodie et est très efficacement soutenu en son milieu par
un gimmick de batterie plutôt discret. Un titre bref et une entrée en matières
très légerement tentée de Folk efficace.
High
arrive ensuite. Ce titre, qui fut le premier à être enregistré en studio et est
directement inspiré par Le soulman Charles Bradley, est un up-tempo efficace
pourvu d’un beat synthétique et de riffs
guitaristiques légèrement saturés et énergiques auxquels vient se plaquer La
voix mixée en avant. La ligne de basse est ronde et très présente. L’utilisation
faites d’overdubs et la présence d’une nappe de synthétiseur en conclusion du
morceau accentue son côté très Disco.
Avec Build
Up c’est sur une boucle de synthétiseur et de boite à rythme minimaliste,
mais au demeurant efficace, que vient se lover la voix chaude de Linn qui, dans
ce phrasé plaintif, se part d’accents proches du Gospel. Ce titre est lent, sa
ligne de basse massive et son écoute attentive laisse percevoir de discrètes
racines jazzy à cette ballade mélodique.
Un gimmick de clavier
et une rythmique efficace mais non envahissante servent de cadre au crêpage de
chignon dépeint dans le titre Sassy.
Après le Gospel c’est au R’n’B des années 90 que Linn empreinte quelques
accents du plus bel effet.
Nous avons ensuite
droit au titre The Beat, pièce
centrale et à la fois la plus longue du disque. Cette position au sein de ce
recueil de chanson ne tient selon nous pas d’un complet hasard. Très rythmé, ce
titre semble plutôt assez représentatif du travail de Renaud Létang. Un refrain
profondément Pop et très efficace cohabite judicieusement avec un beat de
synthétiseur, une boucle de boite à rythme, une excellente ligne de basse pour
un rendu très carré et propre de l’ensemble.
Une rythmique à la fois
lente et massive soutenue par des accords de guitares minimalistes servant
d’écrin à la voix, ce sont là les composantes de la chanson Remember.
C’est d’une rythmique
emplit d’effluves Jazz dont est doté le titre Drive. Un titre qui, sur un tempo modéré, nous délivre un son Pop
et enjoué pour un joli moment.
Never
donne ensuite à entendre une ligne de basse massive, un gimmick de piano
accrocheur et des percussions aussi discrètes qu’efficaces à l’édification de
l’écrin sonore dans lequel une voix aux accents Soul et R’n’B se déploie au
long de cette ballade.
Le titre Back arrive ensuite, paré de ses accords
de guitare électrique, secondé par un gimmick légèrement plus abrasif et une
rythmique « carrée », cette dernière n’étant nullement envahissante.
Le chant redevient prioritairement jazzy et se place très à propos dans
l’ensemble. La présence, ici plus marquée, de la section de cuivre rappellera
aux auditeurs de longue date les précédents enregistrements. Ce titre est en
lui-même un mélange d’influences diverses réussi!
L’opus se clôt avec le
très beau Feeling Me, un morceau que
Linn a confié avoir enregistré pour la toute première fois de façon a capella à
l’aide de son répondeur avant d’en finaliser une version dance et énergique,
pour finalement décider d’en revenir à la version « messagerie »
originelle. Un moment de piano/voix que l’on pourrait apprécier comme étant une
véritable tangente opérée par l’artiste au regard des albums précédents et qui
suffira à convaincre une fois pour toutes des qualités vocales remarquables que
possède Linn (et qui, par la même occasion, devrait permettre de faire cesser
certaines comparaisons avec d’autres chanteuses, que nous jugeons parfois trop
hâtives…) Un moment dépouillé pour une conclusion se faisant sur une note de
douceur.
« Suddenly
I feel So free
I
say goodbye to all my worries
Taken
over by
By
this energy
Wich
I didn’t know that I had inside of me »
*****
Entre les deux pôles
plutôt acoustiques que sont les titres
Regret et Feeling Me Lady Linn et
son groupe ont su nous donner à entendre une nouvelle facette de leur
savoir-faire, auquel s’ajoute celui, indispensable, de leur producteur Renaud
Létang à leurs côtés pour la seconde fois. Ce troisième opus aura de quoi
surprendre, décontenancer même, les amateurs de Jazz ayant particulièrement appréciés
Here We Go Again et No Goodbye At All. Avec High, place est ici faite à une
plus grande spontanéité, les musiciens se libèrent des contraintes et carcans
du genre dans lequel ils œuvrés par le passé, ils expérimentent aussi bien
plus. En d’autres termes, ils ont su prendre des risques, notamment celui de
déplaire à une certaine frange de leur public déjà acquis, pour relever le défi
du troisième album et faire ainsi « la passe de trois ». Cela s’est fait dans l’ornière d’une musique
certes plus « mainstream » et commerciale mais ce groupe ne s’est en
aucun cas déparé de ce qui fait son originalité. Cette nouvelle direction
artistique séduira à n’en pas douter un grand nombre d’auditeurs. Et ils
possèdent de toute façon bien assez d’atout pour que le successeur de High
renferme les mêmes qualités…
En attendant, on
appréciera cet audacieux melting-pot d’influences aussi diverses que variées et
concentrées en un disque pour le moins appréciable !
Liste des titres :
1.
Regret
2.
High
3.
Build Up
4.
Sassy
5.
The Beat
6.
Remember
7.
Drive
8.
Never
9.
Back
10.
Feeling Me
Lady Linn, High, Universal Music France
Xavier Fluet @GazetteDeParis
[1]
Xavier Fluet, « Lady
Linn : « High ? Des chansons pop honnêtes et fraiches ! », La Gazette De Paris, 19/03/2014. Lien : http://gazetteparis.fr/2014/03/19/musique-lady-linn-high-des-chansons-pop-honnetes-et-fraiches/
[2]
Cécile Duclos, « Interview
de Lady Linn, une drama queen inspirée », La Toile De Pandore, 04/04/2012. Lien : http://www.latoiledepandore.fr/2012/04/interview-de-lady-linn-une-drama-queen.html
[3]
Ibid.
[6]
Id. Cf. note 2
[8]
Id.
[9] Cf.
Note 1
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