Les
tribulations « solitaires » d’un punk ouvrier
« Les
Wampas n'aiment pas les autres, ils n'aiment pas Kyo, et ils n'aiment pas la
variété pourrie !!!!! »
C’est assurément par,
et grâce, à cette logorrhée salvatrice que le (très) grand public aura
découvert le sieur Didier Chappedelaine, plus connu bien sûr sous le pseudonyme
de Didier Wampas, et son groupe du même nom. Les Wampas donc, qui par cette
belle soirée de 2003 réveillent par leur prestation énergique et endiablée une
assistance se trouvant déjà à moitié, ou presque, dans les bras de Morphée, la
cérémonie annuelle des Victoires De La Musique ayant un effet des plus
soporifiques tant sur les spectateurs présent dans la salle que sur les
téléspectateurs, surement désœuvrés ce soir-là, qui consentent à subir ce
spectacle devant leur poste de télévision, spectacle n’étant en réalité rien de
plus qu’une démonstration d’autocongratulation d’un seul et même milieu se
regardant le nombril trois heures durant…
À
l’occasion de l’édition 2003 des Victoires De La Musique le groupe de celui qui
demeure certainement l’électricien de la RATP le plus célèbre du pays se voit
nommé dans la catégorie « Révélation de l’année », nomination qui,
avec le recul, peut prêter à sourire lorsque l’on sait qu’à cette époque les
Wampas entraient dans ce qui était, tout de même, la vingtième année
d’existence du groupe. Deux décennies entières passées à écumer la scène
Punk-Rock indépendante française, depuis cette année 1983, pour finalement en devenir,
avec les Béruriers Noirs, les toujours actifs Parabellum et quelques autres,
l’un des principaux représentants. Mieux valait tard que jamais ! L’interprétation
livrée ce soir-là de leur dernier simple en date, Manu Chao[1], si elle fut bien la plus remarquée de la
cérémonie ne leur permis cependant pas de remporter le trophée, ce dernier
échouant en fin de compte à…Kyo !
Toutefois,
pour les Wampas l’essentiel était peut être ailleurs, la reconnaissance
médiatique et l’appui du grand public, toujours lui, étant dès lors au
rendez-vous. En témoignera la suite de leur carrière. Parmi les faits
importants ayant émaillés celle-ci citons tout d’abords une collaboration entre
Didier Wampas et Nicola Sirkis, chanteur et membre originel du groupe
Indochine, sur le duo Harry Poppers[2],
titre dont le texte est dut à Wampas lui-même,
sorti en 2005 sur Alice Et June, dixième opus de Nicola et ses
comparses. Un an plus tard c’est la polémique, née de la parution du single Chirac en prison, qui placera les
Wampas et la sortie de leur neuvième album Rock’N’ Roll Part 9 sous l’œil
médiatique[3]
pour un bon moment. L’année 2007 verra les Wampas s’embarquer dans une
compétition internationale : Celle du concours de l’Eurovision de la
Chanson. Ils ne seront toutefois pas désignés représentants français, coiffés
au poteau qu’ils seront par les Fatals Picards. Leur dixième et dernier album
en date, Les Wampas Sont La Preuve Que Dieu Existe, parait, chez Universal
cette fois, le 29 janvier 2009[4].
Un autre évènement quelque peu marquant pour le groupe se produira au soir du
26 juin 2010, les Wampas investissant la scène du Stade De France en première
partie du concert[5]
qu’Indochine y donné ce soir-là, l’occasion rêvée pour Didier et ses comparses
de délivrer leur Punk-Rock emplit d’énergie, et au style inimitable ou presque,
devant quelque 80 000 spectateurs.
Voilà
à peu près où en étaient restés les Wampas et leur carrière, lorsqu’en 2011 une
petite surprise débarqua sans crier gare dans les bacs des disquaires…
Pour
une surprise, l’album Taisez-Moi en fut une ! Le premier album à être
signé du seul Didier Wampas à sortir un peu moins de trente ans après les
débuts du groupe qu’il a fondé ! Ce premier effort discographique en
solitaire du chanteur doit sa sortie à la volonté de Marc Thonon, patron
d’Atmosphériques, label sur lequel sort cette galette[6]. L’élaboration
de ce disque s’est déroulée outre-Atlantique, à Los Angeles, Ville des anges –
pour qui veut y croire- et incontestable fleuron de l’industrie du spectacle et
du divertissement américaine. Le travail (enregistrement, production,
post-production…) s’est déroulé sur une période d’environ une quinzaine de
jours, sous la houlette de l’ingénieur du son Kevin Harp et de Ryan Ross
(impliqué auparavant sur les productions de Panic At The Disco) qui signe ici
les arrangements. Les musiciens chargés d’œuvrer sur cet opus furent tous
recrutés sur place, tous travaillant aux seins des différents studios pour
diverses sessions d’enregistrement.
Le
disque en lui-même renferme une collection de chansons pour laquelle l’aspect
Rock de la musique qui a constitué les succès des Wampas laisse place à un
ensemble bien plus orienté vers la Pop, le son revêtant également un aspect
légèrement vintage. Didier semble aussi avoir apporté un soin tout particulier
à l’enregistrement de sa voix, celle-ci paraissant, tout au long du disque,
plutôt posée. Plus d’un titre de ce disque rappellera aux connaisseurs quelque
une des plus belle ballades emmiellant régulièrement les albums des Wampas, ce
depuis la parution de Simple et Tendre[7],
leur quatrième opus. Les arrangements sont eux des plus feutrés et très
calibrés, comme l’est la production. A cela s’ajoute une section rythmique qui
souvent se fait discrète. De même, la six cordes délivre assez peu de riffs au
son abrasif, aux notes saturées. Les textes de Didier sont simples, non
dépourvus d’humour bien sûr, sans toutefois que cet aspect ne prenne
l’ascendant sur un aspect se voulant poétique. La poésie de Wampas est ce
qu’elle est et n’a pour le coup pas changé d’un iota. Elle demeure toute
wapasienne et ce n’est pas pour nous déplaire. Au final, Didier offrait en 2011
un disque sympathique et plutôt agréable à écouter. On notera qu’il prenait
aussi le risque de déconcerter les amateurs du son des Wampas œuvrant sur une
contrée au sein de laquelle la musique aux accents Pop semblait devoir occuper
une plus large place que par le passé, sans que le Rock ne se voit lui
totalement oublié.
La tournée
promotionnelle qui suivra la sortie de Taisez-Moi revêt également une certaine
importance au regard de la tournure que devait prendre la carrière en solitaire
de Didier Wampas. En effet pour les besoins de cette dernière, Didier aura
l’idée, plutôt judicieuse, de s’enquiquiner
avec le groupe rennais Bikini Machine. Ce combo s’est originellement
formé en 2001 et s’était depuis lors surtout fait fortement remarquer sur les
scènes de différents grands festivals, parmi ceux-ci citons entre autres :
Les Vieilles Charrues ou les Transmusicales. Plusieurs productions studio ont
parues, sans toutefois que Bikini Machine ne rencontre autre chose que le
succès d’estime au cœur de la scène Rock indépendante[8]. Il
va s’en dire que cette collaboration aura pour effet d’accroitre sensiblement
la visibilité de ce groupe à l’existence artistique autonome.
Cette collaboration
scénique aura pour épilogue Comme Dans Un Garage, opus studio signé
conjointement par Didier Wampas et Bikini Machine et paru en 2013[9].
De ce disque, Didier révélera qu’il fut enregistré Outre-Manche entre les murs d’un
studio à l’équipement exclusivement analogique[10].
En résulte un opus au son volontairement vintage. Un son vintage pour un retour
bien plus marqué au Rock’n’Roll typé des années 60 et 70, si cher aux
deux parties réunies sur ce projet. L’alchimie résultante d’une tournée longue
de déjà presque deux ans entre Wampas et Bikini Machine et également
perceptible dans le coté bien plus direct du son de l’album et même de la
production. Sont toujours présent ici aussi les textes à la teneur si
personnelle dut à Didier. Un disque plus Rock et peut être même plus abouti que
celui l’ayant précédé.
Sugar
& Tiger : Une histoire de famille Pink’n’Roll
Trois albums en trois
ans, c’est le rythme de Didier retraité de la RATP (sa retraite est effective
depuis mai 2012). Ce troisième opus est aussi le tout premier que Didier signe avec son affaire « familiale»,
Sugar & Tiger, et se nomme Télévisage[11].
Télévisage est disponible depuis le 21 avril et parait chez Atmosphériques.
De famille il est en
effet question, Sugar & Tiger se composant de Florence Vicha (Sugar),
Didier Wampas (Tiger), des fils de ce dernier Arnold et Diego, se chargeant
respectivement de la six cordes et de la batterie, et enfin de Jean-Michel
Lejoux (des Wampas) à la guitare- basse.
Le projet qui deviendra
connu sous le nom de Sugar & Tiger a vu le jour il y a environ deux ans à
cause, si l’on en croit le communiqué accompagnant la sortie l’album, de Mike
Brant ! C’est en effet après avoir posé sa voix sur le célèbre morceau Qui Saura du chanteur d’origine israélienne
que Florence Vicha a décidé de poursuivre sur cette voie[12].
Cette volonté aura pour effet de faire participer le couple Sugar & Tiger à
un projet marketing concocté par une marque de vêtement, le but de
celui-ci : publier une compilation de chansons entièrement composée de
titres enregistrés en duo par des couples[13].
Une première démo du travail entrepris par Florence et Didier sera donc envoyée
aux responsables du projet et échouera finalement sur ladite compilation, mais
en tant que piste cachée[14]…
Tout aurait très bien
pu s’arrêter là bien sûr, mais d’autres chansons furent ensuite composées par
le duo, entre Pantin et les États-Unis notamment. Les fils de Didier furent eux
impliqués dans ce projet plus tard, plus précisément à la suite d’un concert
que Didier donna un soir avec eux alors que toute la famille se trouvait en villégiature[15].
L’enregistrement des
onze titres qui composent Télévisage se déroula au sein des Studios 180, à
Paris, en compagnie d’Arnaud Bascunana et Tim Bickford.[16]
La production de l’opus
qui nous occupe ici est très propre, comme l’est la très grande majorité des
productions discographiques actuelles est globalement il est difficile d’y
trouver à redire. Tout juste pourrait-on trouver dommageable que la voix de
Florence Vicha n’est pas été mixée un peu plus en avant sur l’ensemble des
titres, ce qui aurait permis d’accentuer encore plus l’intéressant contraste
existant entre la puissance d’une section rythmique très en verve tout au long
du disque, les riffs de guitares eux aussi très ancrés dans un style Punk-Rock
et la touche de douceur apportée par cette dernière. L’ensemble étant égal et homogène,
ce petit regret n’est, malgré tout, pas des plus rédhibitoires.
Le ton est donné d’emblée,
Paris-Monaco, la plage titulaire de l’opus,
s’ouvrant sur une introduction dotée d’un riff de guitare aux accents punk et
une section rythmique, notamment la batterie, très présente. La six cordes
délivrera par la suite des accords plus « minimalistes », ce qui aura
pour effet de laisser la voix féminine s’installer dans ce premier écrin. Les chœurs
réalisés sur ce titres apportent leur petit plus, avec un Didier s’y faisant
sobrement remarquer.
Batterie et guitares en
verve, toujours, et un rythme qui ne retombe pas sur Chat Uranium. Le chant reste dans le même ton et les chœurs du punk
ouvrier apporte à ce titre bref et plutôt efficace un coté à la fois humoristique
et sympathique.
Même schéma, même teneur pour Sophomore, la troisième piste. La guitare délivre un bon gimmick, répétitif et assez accrocheur. Le contraste
entre la voix et l’instrumentation, déjà évoqué, fonctionne ici efficacement.
C’est la ligne de basse
qui se démarque plus volontiers sur Trestraou,
imprimant d’entrée comme un faux rythme avant que la guitare ne se signale, ce
qui aura pour effet de voir le titre gagner en rythme. Le bref solo de guitare achèvera
de donner à cette composition un coté plus Rock’n’Roll encore.
Johnny
téléphone possède en introduction un riff de guitare bien
senti. La voix semble ici tout de même mixée plus en avant que sur les titre précédents.
Le jeu de batterie se fait toujours aussi carré et calibré. Les chœurs, bien
que discrets demeurent efficaces. Les connaisseurs apprécieront la référence
directe faite à Johnny MacDonald, personnage ayant pointé pour la première fois
le bout de son nez, en 1996, sur l’album Trop Précieux, cinquième opus dut aux
Wampas.[17]
Nous prenons ensuite la
route et traversons la Highway 40 à
vive allure, aidés en cela que nous sommes par La batterie et la gratte électrique.
Didier est au chant pour une performance toute wampasienne et nous délivre un
texte dont lui seul à le secret (qui d’autre que Didier pour écrire du Wampas ?).
De tous les titres, celui-ci est certainement celui qui se rapproche
incontestablement le plus de l’esprit originel des Wampas. Un moment fort sympathique,
duquel bien sûr la drôlerie n’est pas absente.
Henri
restera comme la toute première composition du duo originel Sugar & Tiger,
à l’époque où ce seul et unique titre aurait dut voir le jour. La démo d’origine
de cette chanson est d’ailleurs disponible sur les canaux du Web[18]. Henri donc, assez jolie ballade au
teint bleu ciel amoureux et chatouillant pourvue de grosses lignes de basse,
gimmicks de guitare répétés et martellement de futs aussi régulier que le serait
un métronome.
Arrive ensuite la
chanson Comme Un Chinois, duo mixte,
qui aurait pu se nommer sans problème « Comme les Wampas » tant le rythme
débridé de ce titre, le coté résolument Punk-Rock de toute l’orchestration ou
encore l’humour et se second degré que renferme son texte rappellent sans ciller
quelques une des plus belles productions dues au groupe parisien. Un bon moment
là encore.
C’est le palace du même
nom qui se voit ensuite gratifié sur la chanson Hôtel Raphael. Le tout se fait à pleine vitesse sur fond de
gimmick de six cordes et martellement de futs tonitruant. On remarquera que la
voix prend sur ce titre un peu plus d’espace pour mieux se « détacher »
de l’ensemble.
Le second single
extrait de cet opus, Car C’est Toi,
arrive ensuite. Une ballade simple et appréciable, plutôt vive et avec de bons chœurs.
L’un des titres de cet album qui prendra certainement bien plus d’ampleur lors
des prestations du groupe sur scène.
L’album se clôt avec Noel Chrismas, premier simple produit
pour promouvoir Télévisage. Un titre puissant et rapide au final chanté en
allemand pour un écho non dissimulé au titre Ce soir, c’est Noel ! des Wampas[19]
Il y a des miroirs pour
le visage mais pas de télévisions !
*****
Télévisage, premier
opus de Sugar & Tiger, se révèle être une œuvre musicalement très homogène,
et cela sur toute sa longueur. Les plus sceptiques considèreront peut être
cette homogénéité comme un point faible, révélatrice d’un album au final peu
varié. Il demeure que l’association faite ici entre la Pop et le Punk n’est pas
du plus mauvais acabit. On apprécie la touche féminine et personnelle apportée
par Florence Vicha (texte et chant) même si cette dernière s’affirmera à tous
les coups bien plus sur scène lors des concerts et sur un second album que
cette affaire familiale nous livrera peut-être à l’avenir.
Télévisage a aussi un « avantage »,
celui de se voir presque exclusivement composé de titres brefs, élément qui
rend son écoute aussi rapide qu’aisée, accent étant mis sur l’essence et l’essentiel
des compositions. Des compositions qui, n’en doutons pas, se bonifieront lors
des concerts, cette musique semble de toute façon taillée pour cela.
Pour finir notons que, grâce
à Télévisage, Didier Wampas semble revenir pleinement sur la voie de la Pop
musique, terrain déjà connu de lui par la publication de Taisez-Moi en 2011,
sans toutefois que ses influence premières se voient ici totalement négligées.
En attendant de retrouver
Jean-Michel et Didier au sein des Wampas pour leur onzième album à paraitre, de
revoir et réentendre Didier secondé par le Bikini Machine sur scène et en
studio, ne boudons pas le plaisir de retrouver une nouvelle fois ce zébulon et
de découvrir son nouveau projet qui se révèle à l’écoute fort sympathique !
Liste des titres :
1.
Paris-Monaco
2.
Chat Uranium
3.
Sophomore
4.
Trestraou
5.
Johnny Téléphone
6.
Highway 40
7.
Henri
8.
Comme Un Chinois
9.
Hotel Raphael
10.
Car C’est Toi
11.
Noël Chrismas
Sugar & Tiger, Télevisage, Atmosphériques, 2014.
Xavier Fluet
[1]Single extrait de l’album Never
trust a guy who after having been a punk, is now playing electro, publié sur le label Atmosphériques en
février 2003.
[2] Indochine, Alice et June, Jive/Epic- Sony BMG, 2005
[3] Les Wampas, Rock’N’Roll Part 9, Atmosphériques, 2006
[4] Les
Wampas, Les Wampas Sont La Preuve Que
Dieu Existe, Universal, 2009.
[5] Indochine, Putain De Stade, Universal, 2011
(CD/DVD)
[6] Didier Wampas, Taisez-moi, Atmosphériques, 2011
[8] « Bikini Machine », Wikipedia.org. Lien : http://fr.wikipedia.org/wiki/Bikini_Machine
[9] Didier Wampas & Bikini Machine, Comme Dans Un Garage, Atmosphériques,
2013
[10] Julien Party « L’entretien
de Didier Wampas », avril 2013. Lien : https://www.youtube.com/watch?v=mBz5G9mUqkg
[11] Sugar & Tiger, Télévisage, Atmosphériques, 2013.
[12] Communiqué de presse
[13] Cf. note 10.
[14] Ibid.
[15] Id.
[16] Sugar & Tiger Bandcamp. Lien : http://sugarandtiger.bandcamp.com/
[17] Les Wampas, Trop Précieux, BMG, 1996.
[18] Cf. Note 16.
[19] Les Wampas, Les Wampas vous aiment, 1990.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire