Rikkha :
4 consonnes et 2 voyelles
Rikkha c’est la
combinaisons de quatre consonnes et deux voyelles pour mieux désigner un
quatuor délivrant une musique qualifiée de résolument Rock mais aussi, et
surtout, parsemée de trilles nous rappelant tour à tour des sons et des
influences aussi divers et variés que le Punk, le Punk Garage, le Dub, le Ska,
l’Affro-Jazz ou le Hardcore. Un son qui se veut donc la résultante d’une
véritable synthèse, voire symbiose, sonore et d’un univers à la fois propre et
unique. Voilà donc ce que la chanteuse Juliette Dragon (Le Cabaret Des Filles
De Joie), Seb le Bison leader et guitariste, la bassiste Lady Machine (The
Ragnoutaz) et le batteur Funkaphobia (The Last Poets, Archie Shepp, Jim Murple
Memorial) nous proposent de découvrir au détour des dix titres qui composent
leur premier opus, disponible depuis le 10 juin, Nuit Fatale.
Si Nuit Fatale et le
véritable premier album du groupe, il n’est en rien leur premier effort
discographique. Rikkha ayant derrière lui une carrière de cinq ans déjà, cet
album s’est vu précédé par la sortie de deux EP. Le premier, Kitten On Wheels,
contenant 4 titres, parait en 2010 et est suivi, un an plus tard, par les 5
titres qui composent Covers, un ensemble de reprises.
Cinq année qui ont permis
au groupe de fouler la scène, lieu où leur musique trouve son véritable pendant
et où Rikkha et ses membres deviennent en quelque sorte l’incarnation même de leur son, le groupe n’hésitants pas par
exemple à se travestir au gré de leurs chansons, des thèmes et différents
sujets de celles-ci (Halloween, lucha libre, voodoo…). Le tout confère aux
performances en public du groupe une théâtralité certaine. Cette dernière étant
accentuée par le fait qu’il arrive à Rikkha de partager la scène en compagnie
d’autres artistes tels que des danseuses, des artistes de cirque ou bien des
vedettes renommées de spectacles burlesques. Les concerts deviennent de fait
des moments ou se mêlent le Punk, le
Rock, le burlesque et l’esprit des numéros de cabaret dans un style et une
ambiance des plus enlevée.
Prologue
L’enregistrement de
l’album a eu lieu entre Paris et l’auditorium de Saint-Ouen
(Seine-Saint-Denis). Le mixage et le mastering final ont été réalisés à Los
Angeles au mois de mars 2013, alors que le groupe tournait en Californie. Ce
travail finalisé outre Atlantique résulte de la volonté de Rikkha de donner à
entendre un son résolument au plus proche de celui immortalisé par plusieurs de
leurs influences majeures, (parmi celles-ci citons : Jack White, Nirvana
ou encore B52’s) et de faire bénéficier l’ensemble d’une tonalité résolument
internationale.
La production de de cet
opus est globalement irréprochable et offre une musique aux contours pour le
moins très peaufinés, travaillés et bien léchés. Même si, de cet ensemble, c’est
indiscutablement la section rythmique (Lignes de basses et gimmicks de
batterie) et les vocaux de Juliette Dragon (mixés en avant) qui semblent dominer
l’opus sur sa longueur, on remarque le travail de production et de mixage des
plus judicieux et abouti. Ici aucun instrument ne s’est vu négligé au profit d’un
autre. Le jeu de chaque instrument est sur chaque piste parfaitement restitué
et audible. Du bon travail sur lequel certains auditeurs trouveront, peu – être,
à redire, si l’on tient compte des « canons » des genres dans
lesquels semblent s’inscrire la musique de Rikkha. On aurait peut être
appréciés d’entendre une musique au ton plus brut et « roots », plus proche
en cela du Rock et du Punk… Mais cela ne nuit en rien à la qualité de l’ensemble
du disque et lui confère même une homogénéité certaine. Notons également que l’ensemble
des titres qui composent ce Nuit Fatale est cosigné par le groupe.
Le disque voit
également se côtoyer en son sein les langues de Shakespeare et Molière, preuve de
cet éclectisme qui semble si bien caractériser ce groupe et sa musique.
L’atmosphère de cet
album concept se veut cinématographique et laissera percevoir à l’auditeur attentif nombre de références
aux comics américains, aux Burton et autres Tarantino au fil de l’écoute des
différents morceaux.
Le disque s’écoute
comme l’on emboiterait le pas au voyageur et le paysage et les images défilent.
La narration et soutenue et dévoile un univers à dormir debout quelque peu
loufoque et grotesque mais assurément non dénué d’attrait : vampires,
démone, princesse voodoo, prêtresse zombie, méchant loup et chaperon sanglant,
femmes fatales, lolitas vengeresse, roller-girl, Lilith trans-sexuelle…Tel est
le programme onirique de cette nuit fatale à laquelle nous voilà conviés.
Voyage
au bout de la nuit
Nuit
Fatale, la plage titulaire et éponyme du disque débute sur
un accord de guitare saturé, vite soutenu par une ligne de basse très ronde et
une batterie mixée en avant qui imprime au titre un rythme enlevé, enjoué et
rapide et confère du même coup de l’efficacité à l’ensemble. Le gimmick de batterie et les
accords et autres envolées guitaristiques se dégagent de l’ensemble, tout comme
la voix de Juliette Dragon mixée bien en avant et qui nous livre ici le
programme des réjouissances par le menu. Tout Nuit Fatal se voit en quelque
sorte abordé dans ce titre et ses paroles et Rikkha nous invite à la fête. Une
mise en bouche auditive plutôt réussie.
Le titre suivant, Je Te Tue, nous livre l’un des thèmes clés de l’opus, sa
trame même : la féminité et sa célébration sous toutes ses formes. Tout au long
des trois minutes de ce titre la femme fatale à l’état pur se voit gratifiée et
glorifiée. Le tout nous est délivré sur une musique faisant la part belle aux
gimmicks de guitare très présent. La batterie est, elle, très solidement
appuyée par de bonnes lignes de basse. Le solo de guitare contenu dans ce titre
ajoute également et indéniablement à son efficacité intrinsèque qui se voit
renforcée par la brièveté de la pièce.
La Pretty Girl arrive ensuite au son d’un accord de guitare simple
mais des plus accrocheurs qui nous laisse ensuite apprécier ce duo mixte, entre
Juliette et Seb, chanté en anglais. Un titre qui nous donne donc à entendre la
voix de Seb le Bison et permets de mesurer la justesse du travail accomplit sur
les parties vocales, de ce titre mais aussi sur l’ensemble du disque.
Lullaby
se déroule elle sur des accords de guitare et de basse des plus lascifs avant
de prendre la tangente et de connaitre une brusque accélération de tempo
imprimée par l’arrivée de la batterie tout en concervant quelque variations de rythme
jusqu’au terme de la chanson. La voix de Juliette Dragon oscille sur cette
berceuse des plus ténébreuses entre accents emprunts de sensibilité et de nervosité
enjouée.
En 1997, Franck
Micheal, chanteur belge pour femmes ménopausées de son état, nous avait prévenus :
« Toutes les femmes sont belles ». La rengaine du sieur se voit
confirmée par Juliette et ses comparses dans le titre Les Femmes. Cette nouvelle ode à la féminité arrive dans nos
esgourdes sur en rythme des plus enlevé et tonitruant non dépourvu d’accents typiques
de la musique Punk. La batterie délivre, par exemple, un gimmick simple mais incroyablement
accrocheur et efficace. La voix est mise en avant sur ce titre, se fait rageuse
et est parfaitement et efficacement secondée par les chœurs.
C’est à un Road Movie auquel nous assistons ensuite.
Premier simple extrait de l’album, cette résurgence du celluloïd permet au
groupe de nous conter, tout en le revisitant à sa manière, un célèbre conte
pour enfant de Charles Perrault, gratifié ici de rythmiques de guitare saturés
et accrocheurs soutenu par une basse qui
se fait ici plus discrète me demeure des plus efficaces. Un des meilleurs moments
du disque et un choix de single plutôt judicieux.
Sur Spank Me on remarque d’emblée une ligne de
basse très présente avant que ne viennent s’ajouter efficacement guitare,
batterie et voix. Ce titre chanté en langue anglaise semble traiter des relations
sadomasochistes. Relations au cours desquelles si la femme est objet de désir,
celle-ci avant tout désire et prend l’initiative. L’atmosphère du titre est
servie par Juliette Dragon dont la voix se fait plus sensuelle encore que sur les
autres titres d l’opus et dont les onomatopées
sont des plus évocatrices et subjectives. En fin de compte, et à la fin du morceau,
c’est à Funkaphobia, le batteur du groupe, qu’il reviendra de donner la fessée.
Le huitième titre de l’album,
Libre, donne, lors de son
introduction, à entendre de doux accords guitaristiques qui laissent bien vite
la place à une musique et à un chant aux ornements finement ciselés rappelant
avec forte évidence la musique évocatrice
du Voodoo. Sur ce titre nous est narrée la rencontre impromptue d’un vieux poète
salasse d’avec une petite ingénue. Rencontre qui se termine fatalement et qui
se voit servie par des chœurs plutôt réussis…
La section rythmique
est parfaitement mise en avant et nous délivre des gimmicks efficaces et
accrocheurs pour servir Shemale, un
titre chanté en anglais et, comme son nom nous l’indique, qui évoque sans
détour la question du transsexualisme, de ces homme devenus femmes, mais sans
avoir subi de changement de sexe. On apprécie particulièrement le travail réalisé
pour mettre en valeur la voix de Juliette.
L’opus se clos ensuite
sur Morning Comes, titre
annonciateur. L’aurore va poindre et la nuit est finit. Fin du voyage et dernière
escale avant le réveil. Le titre nous offre un sample en guise d’introduction
avant de s’articuler autour d’un rythme empruntant son origine au Jazz certainement,
tout en ayant un ornement tout à la fois fortement et faussement Bluesy, duquel
se dégage joliment la section rythmique du groupe.
*****
De ce Nuit Fatale l’on
retiendra certainement l’éclosion d’un groupe déjà mature et aguerrit musicalement
ayant parfaitement su synthétiser ses influences diverses et variées, Du Rock
au Punk en passant par le 7e Art, par exemple, le tout sans négliger
la Chanson. Les amateurs des styles musicaux cités plus haut ne devraient pas être
déçus à l’écoute de cet opus. Les amateurs de véritables démarches à la fois
musicales et originales pourraient également y trouver leur compte…
Un bon disque que ce premier effort discographique de la part de Rikkha. Un premier essai qui n’a
plus qu’à être transformé par un prochain album!
Liste des titres :
1.
Nuit Fatale
2.
Je Te Tue
3.
Pretty Girl
4.
Lullaby
5.
Les Femmes
6.
Road Movie
7.
Spank Me
8.
Libre
9.
Shemale
10.
Morning Comes
Rikkha, Nuit Fatale, Le Bison Production, 2013.
Xavier Fluet @GazetteDeParis
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